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21 juin 2025

Sionisme, antisionisme, antisémitisme, postsionisme : le débat est ouvert !

Le séminaire de recherche militante, libertaire et pragmatiste ETAPE (Explorations Théoriques Anarchistes Pragmatistes pour l’Emancipation) a souhaité organiser une séance autour des termes hautement controversés et polysémiques de « sionisme », « antisionisme », « antisémitisme » et « postsionisme ». Depuis les massacres perpétrés le 7 octobre 2023 par le Hamas et ses alliés, puis les massacres opérés à Gaza par l’armée israélienne sous l’égide du gouvernement de Benyamin Netanyahou, les affrontements verbaux se sont extrêmement polarisés dans les milieux militants à gauche en général et chez les anarchistes en particulier. On peut même dire que des débats argumentés sont presque devenus impossibles aujourd’hui dans un climat surchargé de tonalités affectives et identitaires. Nous avons voulu commencer à pallier ce fossé grandissant. Pour cela nous avons choisi deux habitués du séminaire ETAPE :

* Nathan Delbrassine, diplômé en droit international et en langues orientales, doctorant en sociologie en cotutelle entre l’Université de Liège (Belgique) et l’Université Paris Cité. Il a participé à l’occupation en solidarité avec la Palestine de l’Université libre de Bruxelles en mai-juin 2024. Il est notamment l’auteur de « La culture comme vecteur de construction et de différenciation de l’État : vers un État d’émancipation ? » (dans Séminaire ETAPE, Repenser l’État au XXIe siècle. Libertaires et pensées critiques, Atelier de création libertaire, 2023).

* et Sylvaine Bulle est professeure de sociologie à l’Université Paris Cité, détachée au Laboratoire d’anthropologie politique (EHESS-CNRS). Elle a mené des recherches en Israël et en Palestine. Elle est l’autrice notamment de :

. « Le Hamas et le kibboutz », site culturel AOC, 11 octobre 2023 [site sur abonnement mais trois textes gratuits par mois si on donne son email]

. « Israël-Gaza : contre le campisme », site culturel AOC, 11 mars 2024

. « Andreas Malm et l’antisémitisme vert », site de la revue K, 11 septembre 2024.

Le débat a eu lieu à Paris le 28 mars 2025. Vous trouverez ci-après l’enregistrement partiel de la soirée (à un moment l’enregistrement s’arrête brutalement pour des raisons techniques) et les textes des deux intervenants.

Au bout du débat, qu’en penser ? Les convergences sont minimes, les oppositions demeurent fortes, mais un débat contradictoire et argumenté a été ouvert. C’est l’important : cela montre que c’est possible. C’est pour publiciser plus largement cette possibilité que nous avons enregistré le débat, bien qu’il ne fût pas public.

Les animateurs du séminaire ETAPE

Une petite sociologie de l’antisionisme, vu « d’en bas »

par Sylvaine Bulle

Rien ne peut excuser les atrocités commises par Israël à Gaza ni le tournant ultradroitier et raciste pris par son gouvernement depuis 2022, deux accélérateurs de l’antisionisme et de l’antisémitisme ambiant. Cependant un fait majeur apparaît depuis le 7 octobre 2023. « L’antisionisme occidental » dot être intégré à la sociologie des mobilisations d’autant que la guerre de Gaza et les atrocités commises par l’armée israélienne accroît l’indignation et facilite la diffusion des discours antisémites. Il n’est pas possible ici d’analyser ces derniers dans leurs points de passage et leur continuité et leur discontinuité et cette contribution se limite à éclairer la phraséologie, le lexique et les points d’appui de l’antisionisme en tant que construction intellectuelle qui distend ou efface la réalité. Avançons cette affirmation : alors que la dénonciation du « sionisme » est présentée par les détracteurs d’Israël comme une défense absolue de « la Palestine », elle voile au contraire la réalité des sociétés et maintient les asymétries entre Israël et Palestine, juifs et non juifs, autant d’entités ves en miroir l’une de l’autre.

L’antisionisme. Une question occidentale et continentale

Limitons-nous, en introduction à saisir l’antisionisme dans sa phase actuelle jusqu’en 2025 et dans les milieux académiques et militants. L’antisionisme repose sur le constat suivant : la critique d’Israël dépasse la stricte dénonciation de la guerre et de la politique militaire israélienne. Certes, il traduit un ressentiment accru par rapport aux atrocités commises à Gaza, mais également une critique démesurée de l’État d’Israël (« l’entité sioniste ») perçu dans la plupart des positions et des tribunes comme une anomalie. Quels sont les éléments de la phraséologie antisioniste après 7 octobre ? Elle contient les arguments suivants : la coresponsabilité du massacre incombe à Israël et sa politique d’annexion. L’antisémitisme antisioniste serait une réaction ou une réponse au sionisme colonial, tout comme « L’attaque » du 7 octobre serait la seule forme laissée au résistant, l’histoire se rebiffant contre les bourreaux. Sur cette voie, l’antisionisme (nous) ne consiste pas dans la critique légitime de la politique d’Israël mais dans la critique des Juifs israéliens (eux). L’antisionisme devient un vecteur politique permettant, dans le meilleur des cas, de défendre la création d’un État binational, voire, dans le pire des scénarios, de nier le droit à l’existence du peuple juif. La mise en parallèle du judéocide et de Gaza fournit des exemples de la justification de l’antisionisme occidental jusqu’à l’antisémitisme. Symétriquement, il serait facile de saisir les espaces et les échelles d’identification à la Palestine, comme seul espace de résistance et d’émancipation contre la domination absolue  israélienne et au-delà, occidentale et impériale.1 

Réification et chosification dans l’antisionisme

Eux et nous. C’est par la critique sociale et décoloniale que l’antisionisme s’épanouit et assure la jonction entre une partie majoritaire de l’opinion non‐occidentale et une partie significative de la conscience progressiste occidentale. Symétriquement c’est par le nationalisme et l’attachement juif que s’exprime le soutien au sionisme national2.

Pour s’en tenir à l’antisionisme, l’identification à la Palestine met en avant un concernement, c’est-à-dire une expérience ou une indignation individuelle, quelquefois collective, qui se confond avec la cause palestinienne. La blessure palestinienne est la blessure de tout un chacun. Mais son explication se porte sur exclusivement sur Israël, responsable de toutes les pathologies de l’impérialisme capitaliste du Nord Global. Parlons alors d’un poly antisionisme ou un antisionisme polyvalent, qui réunit toutes les souffrances en une seule cause israélienne et qui efface d’autres souffrances : l’oppression religieuse des minorités non palestiniennes ou non musulmanes comme les Arméniens la pauvreté urbaine en Israël, l’injustice perçue ou vécue des Orientaux juifs (Iraki, Yémeni, etc.) etc. L’homogénéisation de l’antisionisme efface donc d’autres souffrances et d’autres formes politiques sociales politiques et souvent militantes comme les féministes musulmanes, les collectifs écologistes, les mouvements mixtes israélo-palestiniens3, les forces démocratiques et autour du vivant porteur de transversalité. D’autre part, si l’antisionisme est un espace émotionnel qui permet aux militants problématiser une actualité politique plus globale, de s’en imprégner pour en faire une cause, en hybridant différents objets (race, genre, capitalisme) il rappelle le campisme (eux et nous, le camp pro-occidental contre le Sud anti-impérialisme). A cette fin, il convoque une série de références dans la théorie critique, le marxisme et le dé colonialisme mais ces références ne semblent pas s’articuler, car elles converger vers une seule source d’indignation et un ordre unique de grandeur : l ’oppression israélienne et ses formes « criminelles » allant de « l’apartheid » au « génocide colonial ». En alignant l’ indignation sur une seule cause (la présence d’Israël) et en se polarisant sur des concepts-index  simplificateurs, l’antisionisme tend à chosifier et réifier les catégories vers lesquels ils veulent tendre (sionisme, impérialisme, apartheid, écocide génocide) et se diluent dans ces dernières. Pour résumer, les effets de l’antisionisme académique ou militant sont contrastés. Les guerres de position et l’indignation et sa mauvaise utilisation ont un effet de nihilisme puis de démoralisation scientifique et politique. Un autre effet paradoxal est la dématérialisation des sociétés, comme en témoignent des visions archétypales de la ‘résistance’, ou de la blanchéité sioniste que nous pouvons analyser.

Peuplement, blanchéité… Une contre-définition du sionisme par l’antisionisme

Transportée dans le champ de l’analyse sociologique, l’asymétrie entre sionisme et antisionisme se retrouve décuplée. L’un des arguments amenés par les comptenteurs d’Israël repose sur le caractère idéologique et non politique du sionisme. Autrement dit, la critique n’applique pas les critères normaux de la critique des États, basés sur la souveraineté, la consistance juridique ou sociologique d’un État-nation. D’une part, l’antisionisme prétend dénoncer la politique d’Israël pour contester insidieusement ou directement la souveraineté de l’Etat des juifs, et atteindre ses fondements. Il prétend ne toucher qu’aux formes de sa politique, mais en réalité conteste ses fondements. Ainsi la critique antisioniste postule et met en avant la particularité de l’État d’Israël qui a consisté à réunir des juifs (« eux »). Il ne correspondrait pas à un État moderne, cette anomalie pouvant éveiller des soupons relatifs à la haine de juifs, leur mode d’existence diasporique. De la sorte, l’antisionisme dans certains cas, veut dire plus ce qu’il ne dit réellement, car il applique à Israël d’autres critères que ceux appliqués habituellement aux États. D’autre part, l’antisionisme est un prétexte car il marque souvent un sentiment de haine à l’égard des Juifs qui n’a pas d’autre justification que l’antisémitisme. L’antisionisme se présente comme la négation de la réalité d’un État des juifs, dont l’existence est stabilisée et marque l’accomplissement de l’émancipation juive à travers la réalisation d’un État très imparfait. ll est certain qu’Israël n’a jamais fait l’effort d’une démarche séductive vis-à-vis de ses détracteurs, ni l’effort d’un rapprochement avec ses voisins, tout au long de son installation. Nul ne saura contester la pente glissante d’Israël depuis 2015 vers un État autoritaire.

Un second point de la critique concerne l’étiquetage du « colonialisme sioniste » israélien, expression rejoignant celle de colonialisme spécifique utilisée par Maxime Robinson. La catégorie du colonialisme sioniste ou de fait colonial désigne l’implantation des Juifs en Palestine historique, puis dans l’État d’Israël, depuis la fin du XIXe siècle. Le sionisme est ici réduit à son essence coloniale, voire impériale, sans prendre en compte les périodes historiques allant du yichouv (pré-État) à la formation de l’État. Cette notion est en réalité un signifiant flottant car repose sur une unification symbolique entre l’immigration juive et les colonies en Cisjordanie, qui relèvent d’une appropriation physique et intellectuelle d’un territoire.

Cette porosité entre l’usage du terme sionisme et celui de colonisation permet indéniablement l’émergence d’une critique politique, qui s’adresse non pas seulement à des modes de gouvernement mais à l’État d’Israël en tant qu’entité nationale constituée en 1948. Or il existe des graduations historiques et politiques entre colonisation et sionisme. C’est lorsqu’il a été donné à un territoire le nom d’un État-nation, que la phase de peuplement et d’immigration a acquis une légitimité morale et institutionnelle. En ce sens, appeler Israël entité sioniste c’est le déposséder de sa forme État : Israël ne serait pas un véritable État-nation mais l’expression colonialisme de peuplement, à la différence du nationalisme palestinien, considéré comme ontologique, concret, éternel et ancré dans le sol.

De même, le terme « colonialisme de peuplement », qui a resurgi avec force après le 7 octobre, rappelle l’emploi du terme par les chercheurs de la période coloniale en Afrique du Nord et marquée la substitution et l’effacement des indigènes. Du point de vue démographique, le terme de « peuplement » désigne l’augmentation du nombre de migrants juifs, dans une perspective d’implantation administrée par la politique du Jewish Fund, avant et après 1948, mais il est utilisé par la critique comme correspondant une logique d’élimination selon les termes de Patrick Wolfe, historien et auteur de Settler Colonialism. Ce peuplement peut être appelé Nakbah par un pan de la critique, pour prendre en compte la catastrophe de cette arrivée de populations se substituant à celles, palestiniennes, expulsées ou déplacées de l’autre côté de la frontière, dans l’actuelle Cisjordanie et dans les camps de réfugiés. En ce sens, la colonisation de peuplement est clairement vue comme étant illégitime, l’usurpation, voire le vol de la terre par des étrangers juifs, assimilés sans équivoque aux afrikaners et aux pieds noirs et comparable à celle des WASPS, des Caldoches de Kanaky ou des québécoises/australiennes/néo-zélandaises assoit le soupçon, de l’illégitimité.

Ces approches permettent indubitablement de coaliser des formes de résistance au capitalisme impérial. D’une part, l’appellation de « colonie de peuplement » (settler colonialism) rend la critique plus forte, car elle donne une place importante à la domination économique «internationale » et pas seulement à la vague modernité coloniale. D’autre part, le colonialisme de peuplement s’appuie également sur une ontologie juive de la conquête, symbolisée par l’image du soldat israélien appartenant à un État « illégitime » ou des colons « blancs » dépourvus de lien avec la terre palestinienne et assujettissant des indigènes « Arabes ». Les Palestiniens indigènes, quant à eux, se retrouvent dépourvus de toute individualité et de toute agentivité.

Une autre critique semble jaillir de la part des continentaux en se référant au colonialisme de peuplement. Israël serait un état « fake », factice créée par des colons et des descendants de la shoah, Dès lors que la création récente et disparate de l’État d’Israël ne correspond pas aux conditions sociologiques habituelles de la formation des nations, notamment européennes, la reconnaissance de sa spécificité lui est déniée. Israël serait une nation sans racines et peut être facilement défaite dans la mesure où elle est considérée comme reposant sur une construction politique artificielle. Si ce pays n’est que facticité, c’est parce que le lien originaire et primitif qui est censé construire les États-nations est donné comme impossible entre les groupes oriental, russe, d’Europe de l’Est ou encore d’Amérique du Sud, au-delà de la stricte citoyenneté nationale. Ce raisonnement est exact d’un point de vue anthropologique, si l’on considère les contrastes en matière de croyances, de psychologie collective de rituels et d’institutions symboliques. Mais le cas israélien n’est pas un cas isolé. La typicité d’Israël rappelle celle des multiples sociétés fragmentées, allant des tribus aux micro-États, et bien analysé par l’anthropologie anarchiste.

Enfin, les partisans du settler colonialism soutiennent que la composante israélienne serait blanche et descendante de colons et de réfugiés de la Shoah, présentés à leur tour comme les responsables des exactions en Palestine. La diversité ethnique d’Israël doit être présentée sous un jour d’homogénéité «sioniste», réduisant l’Israélien à n’être qu’un produit du sionisme européen ou un homo-israelicus. Soutenir le pont de vue palestinien supposée de quitter la prétendue blanchéité israélisée, renvoyée au sionisme blanc et assimilant la société israélienne, à son gouvernement, qui est depuis deux décennies dans une dérive autoritaire.

Le « sionisme » vu d’en bas

Les habitants de Gaza et de Cisjordanie comme d’Israël ne partagent pas la même perception de leur situation asymétrique. Deux mondes juxtaposés, israéliens juifs et palestiniens s’ignorent ou, dans le meilleur des cas, se côtoient. Leur critique respective s’ancre dans des affects viscéralement opposés et une perception différenciée de la réalité. Cependant qu’ils soient Israéliens ou Palestiniens, le rapport à l’antisionisme ou au « sionisme » s’exprime au niveau local, d’une toute autre manière en Europe. Peu d’israéliens et peu de Palestiniens utilisent le terme de « sionisme » ou « d’antisionisme » ? Les Palestiniens des territoires et d’Israël dans le langage ordinaire parlent « d’Israël » et « des Juifs ». Les citoyens d’Israël, qu’ils soient Palestiniens ou Juifs, s’identifient comme des Israéliens, reflet de leur identité civique et nationale. Car le sionisme ne saurait être considéré comme une pratique religieuse ou sociale, ni comme une affiliation désignant un mode de vie quotidien et partagé. Il est peu commun d’entendre un Israélien se définir comme sioniste, étant donné que la forme politique du sionisme désigne l’État dans lequel il vit.

Quant à « l’antisionisme local », si il existe, c’est tout comme l’antisionisme continental une idéologie portée par une minorité de militants israéliens, palestiniens et juifs, membres de groupes informels, notamment à Haïfa. Au sein de ces collectifs, une solidarité juive et israélienne exprime la contestation du sionisme, moins comme forme étatique que comme traduction idéologique d’une domination inégalitaire. Ce sont des collectifs juifs antifascistes, souvent mixtes, convergeant en Israël pour mettre en lumière la structure inégalitaire de l’État israélien. Ce type d’antisionisme, peu répandu en Israël, répond à une géographie imaginée et émotionnelle. Il consiste à renommer les lieux de Galilée et à reconstruire une carte géographique unitaire. Il permet également des échappées visuelles artistiques et littéraires entre les deux rives du Jourdain, tout comme il met en exergue l’appropriation culturelle et patrimoniale ou assimilatrice effectuée depuis 1948 et documente ce phénomène, à l’instar des travaux de l’association Decolonizing.

Une autre variante de l’antisionisme (appelé néo-sionisme) est celui des messianiques religieux qui s’opposent au sionisme politique tel qu’il est est chosifié ou réifié dans l’État nation. Ce courant messianique milite pour des formes de vie séparées de l’État national. Pour les franges messianiques installées dans le Territoire Palestiniens, l’État sioniste est l’entité politique et sécularisée qui a interrompu le processus rédempteur juif et qui ne permet pas de représenter les variantes du judaïsme religieux en tant que processus d’émancipation. Le messianisme incarne une opposition conceptuelle à la diaspora ou à l’israélité laïque, dont le sionisme politique et étatique, allié à la modernité technologique, est la traduction. Ce messianisme religieux est le principal danger de la démocratie. La présence sur le sol biblique est d’ordre spirituel et conduit à des luttes politiques contre le personnel politique sécularisé et a favorisé des phases successives d’occupation de la Cisjordanie jusqu’en 2025, ou de Gaza jusqu’en 2005. Cet extrémiste local porté par les religieux et les colons promeut aujourd’hui l’annexion et l’«État de Judée, soutenue également par des groupes zélotes américains. La question se pose de savoir si la démocratie peut coexister avec ces messianismes.

D’une certaine manière, antisionistes continentaux et messianiques sont sur la même trajectoire d’opposition à l’étatisme juif. Pour les premiers, Israël ne saurait être décrit comme un État racine et demeure un corps étranger flottant dans les eaux moyen-orientales. Pour les seconds, la grande terre d’Israël est le seul point de ralliement possible pour unir tous les Hébreux et faire venir le roi-sauveur. Dans les deux cas, il s’agit de surmonter l’étatisme israélien. Mais en définitive ces inflexions néosionistes promu par des mouvements messianiques influents sont le véritable danger que ne perçoivent pas les courants occidentaux, tendus vers un motif de seule contestation anticoloniale. Sans véritablement voir que ces suprématistes agressifs aspirent à établir une messianocratie dont la pierre angulaire n’est plus ni la diaspora, ni Israël dans ses frontières, mais le grand Israël, entièrement fondées sur des valeurs religieuses.

De telles ambiguïtés ne sont pas soulevées par l’antisionisme européen qui jettent un regard partiel sur Israël au prix d’une relative ignorance et d’une vision romantique des acteurs Palestiniens. Par conséquent, le « sionisme » est devenu un terme rare, car il est réfuté par ces deux perspectives opposées et symétriques. Mais au bout du compte, c’est la carte d’Israël qui s’estompe par ces doubles mouvements distincts. D’une part, l’Europe affirme sa face postcoloniale et antisioniste, et d’autre part, l’État d’Israël se dote d’un programme néo sioniste et des Juifs de la force.

De quelle couleur est le sionisme ?

Un dernier point de qualification de la critique concerne : le racisme intérieur lié à la blanchéité comme figure de la critique. La méconnaissance des hiérarchies sociales internes en Israël contribue à niveler la perception du sionisme sur celui du colonialisme. La société contemporaine israélienne correspond davantage à une mosaïque de groupes ethniques unis par un ordre symbolique, mais dont les dimensions ne sont pas historicisées de la même manière. Que veut dire Shoah pour un fellachah (éthiopien) ? Que veut dire démocratie des Lumières pour un Oriental ? Que veut dire Orient pour un Russe ? Que veut dire histoire commune pour les premiers arrivants venant de partout ? La société israélienne notamment dans les deux dernières décennies a basculé dans un environnement de coexistence des différentes «tribus » (ce qui est aussi le cas de beaucoup de sociétés) d’autant que les institutions de la solidarité et sociales sont faibles. Si l’appartenance à la judéité prime, les pratiques collectives peuvent être discriminatoires en ce qui concerne les « minorités » juives ou palestiniennes.

L’étiquetage du sionisme comme modèle idéologique ne convient pas à décrire les disparités internes, non sememeent ethniques mais sociales. En témoigne la négligence de la question sociale par la gauche travailliste durant les trente premières années, l’abandon des classes populaires depuis la création de l’État socialiste sioniste peut être mis en parallèle avec le rapport de la gauche française aux classes populares). Les classes populaires israéliennes ou leurs communautés peuvent se considérer comme discriminées ou ségrégués en raison d’une intersectionnalité de facto entre classe, religion, ethnie et quelquefois de genre. Ces différenciations sont au cœur des projets des entrepreneurs politico-religieux israéliens (comme le leadeer Ben Gvir ou le parti Likoud) prenant appui sur la population ultra-orthodoxe orientale des périphéries urbaines. De même, les inégalités concernant les Palestiniens d’Israël recoupent leur statut ethnique, communautaire ou de classe. Les citoyens Palestiniens d’Israël sont des citoyens déconsidérés par les pratiques institutionnelles, dans le domaine du foncier, de l’accès au logement, du bénéfice des services publics au sein desquelles les inégalités sont visibles. La loi sur l’État-nation juif votée en juillet 2018, remettant en question le difficile équilibre de l’État hébreu « État juif et démocratique ».et ramenant la place de l’ethnicité arabo palestinienne au second plan, amplifie la non-reconnaissance des Palestiniens d’Israël. Cette crise de l’intégration est largement visible et publicisée par la troisième génération palestinienne contestant l’appropriation culturelle du patrimoine palestinien (musique, culture, cuisine, architecture), et les relations sociales entre Juifs et Palestiniens sont souvent minimales, notamment depuis le 7 octobre 2023 .

L’emprise de ces inégalités ou du sentiment de stigmatisation donne lieu à un contre mouvement subalterniste et quelquefois mixte, judéo-palestinien. Il existe bien une frange minoritaire orientale qui revendique d’être post coloniale minoritaire en Israël car il s’agit de faire ressortir une condition : la noirceur juive (schachorut). Ce type de positions contredisent la théorie antisioniste sur la blanchéité des juifs. Les partisans de la blackness, tels que les écrivaines de renom Yehouda Shenhav et Elijah Shohat d’origine arabe, ainsi que des mouvements féministes en sont des exemples. Il existe même une acception politique de la noirceur juive avec l’existence d’une organisation politique : le Mizrahi Democratic Rainbow (HaKeshet HaDemocratit HaMizrahit) (un mouvement social Mizrahi libéral de gauche), porté par le sociologue Sammy Smooha.

La noirceur juive est avant tout l’expression d’une fierté ou d’un prestige jusqu’ici refusé et se lit comme un éloge du peuple d’en bas, plus hétérogène et croisant la « noirceur » palestinienne. Mais cette perception de soi se superpose à d’autres réalités : comme la prise de conscience de dominations économiques qui se trouvent dans toutes les couches ethniques et qui se traduisent par le précariat et les recompositions sociales, ou comme les inégalités devant le changement climatique.

S’en sortir : reconnaissance et horizontalité

Peu de militants et d’intervenants se soucient de connaître les Israéliens Juifs et la société israélienne. Ces derniers, confondus avec l’État-nation israélien sont renvoyés à leurs étiquettes d’acteurs criminels ou de colons. Pourtant, en 2025, des citoyens continuent de s’opposer avec force au modèle national actuel israélien. Certains d’entre eux optent pour une gamme de micro-résistances politiques en faveur de la justice sociale. De l’éducation à l’environnement, en passant par les droits des femmes et des minorités, des acteurs sont producteurs d’une critique interne et de nouvelles normes . Citons, par exemple, les refuzniks, les femmes contre la guerre, les féministes musulmanes et juives, ou encore les luttes urbaines des Arméniens de Jérusalem, les collectifs écologistes et les mouvements mixtes israélo-palestiniens, même si leur influence est relativement faible en comparaison avec la tendance conservatrice de l’opinion publique israélienne. De même, il est indéniable que certains intellectuels et militants remettent en question la notion même de sionisme, la remplaçant par celle de post-sionisme décolonial, une identité propre à Israël, déliée de ses liens avec l’Europe.

Il faut alors intégrer et traduire le projet politique de l’altérité et de la reconnaissance. Cela est le cas du postsionisme, ouvert sur une société de la reconnaissance de tous les droits. Historiquement, le post sionisme a été influencé par des courants de pensée de gauche et promet l’établissement d’une identité civique réelle, réglé par l’égalité constitutionnelle au sein de l’État d’Israël. Tourné vers la coexistence, il n’exclut pas de penser des formes politiques comme celle de la confédération de deux États palestinien et Israélien. Ce programme a été celui des philosophes juifs anarchistes, comme Gustav Landauer, Martin Buber4 peu portés vers des communautés étatiques, mais mettant en valeur le partage et la solidarité intercommunautaires, à l’échelle des ateliers, des coopératives et des peuples.

Il faut alors s’attaquer à la figure du peuple ethnos en cours pour qu’il se définisse non pas par la force mais par l’ouverture. D’une part, des éléments s’offrent à nous : comme la place de « la colonne russe » qui offre paradoxalement des perspectives de laïcisation à travers la judaïsation : (avec le cas des conversions), le phénomène migratoire avec plus de deux cent mille travailleurs immigrés sont venus remplacer la main-d’œuvre palestinienne et souhaitant s’intégrer définitivement en Israël, la présence de couples mixtes intercomminaitaures. De même l’émergence de nouveaux mouvements progressistes pour renverger les hiérarchies fondées sur l’ethnicité et véritablement intersectionnels sont en faveur d’un post sionisme. Toutes sortes de voix « comptent » et peuvent se mélanger comme autant de voies résistantes en commun. D’autre part, des contraintes s’imposent pour donner corps à un véritable rapprochement politique et reconnaître les doubles torts et les doubles maux. Il s’agit simultanément :

d’aider les Palestiniens à accéder à̀ la dignité́ et à la souveraineté politique et demander la fin de l’occupation,

de reconstruire Gaza et lutter contre l’antisémitisme,

d’affaiblir et contester le fondamentalisme religieux dans l’islam et le judaïsme et l’islam

de lutter contre les autocraties arabes en faillite et le messianisme et le biblisme qui ont pris Israël en otage,

de créer des » institutions justes et situées et démontrer le pouvoir encore révolutionnaire de l’universalisme.

Adversaires plutôt qu’ennemis, la nécessite d’un point de vue agonistique primant l’antagonisme et le binarisme s’impose. Sur cette voie de la justice, l’antisionisme a beaucoup à apprendre.

Sylvaine Bulle (LAP-EHESS-CNRS)

A paraitre également dans Israël-Palestine en réalité-s, PUF 2025

1 La défense des massacres commis par le Hamas, par le géographe Andreas Malm est un exemple. Voir son dernier ouvrage Pour la Palestine comme pour la terre, La Fabrique 2025.

2 Les positions nationalistes et hypernationalistes israéliennes nécessiterait un développement.

3 Parmi les plus connues en Europe: Standing Together https://www.standing-together.org/en ou A land for all https://www.alandforall.org/english/?d=ltr

4 Martin Buber Je et Tu, Paris, Aubier, 2012 ; Communauté, Paris, éd. de l’éclat, 2018 ; Gustave Landauer, Appel au socialisme, La Lenteur, 2008 ; La Révolution, Arles, Sulliver. 2019.

Bonsoir à toutes et tous,

C’est la première fois que je prends la parole dans ce séminaire, et je vous demanderai, sinon d’être indulgents, du moins d’être compréhensifs. Je ne m’attendais pas à ce que mon premier exposé ici porte sur la question palestinienne, et encore moins sur celle de l’antisionisme. Pourtant, c’est avec un sens aigu des responsabilités que je vais défendre une position antisioniste.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais poser deux éléments de cadrage. D’abord, expliciter d’où je parle : quels sont les parcours qui m’ont conduit à adopter cette position et comment ils façonnent mon approche. Ensuite, présenter brièvement le plan de mon intervention, étant donné le caractère non consensuel des idées que je vais défendre, afin que chacun puisse se préparer à la réception de ces arguments.

Pour me présenter rapidement : je m’appelle Nathan Delbrassine. Je suis diplômé en droit international, spécialisé dans le droit des conflits armés. J’ai aussi étudié les langues orientales – arabe, persan et turc. J’ai notamment travaillé sur la construction des états arabes de la fin du XIXe siècle à l’entre deux-guerre mondial Je suis aussi diplômé en sociologie et je poursuis actuellement une thèse en sociologie sous la direction de Philippe Corcuff. En parallèle, mon engagement militant m’a amené à participer activement aux mouvements d’occupation des universités en soutien à la cause palestinienne, notamment à Bruxelles dans le cadre de l’Université populaire de Bruxelles (UPB). Ainsi, l’UPB est elle-même un sujet passionnant notamment en terme d’émancipation, n’hésitez donc pas si vous avez aussi des questions à ce sujet.

Si je détaille ces éléments, ce n’est pas pour asseoir une quelconque autorité, mais plutôt comme un exercice réflexif sur ma propre position et sans doute aussi un exercice d’auto-légitimation. Je parle ici en tant que militant politique anarchiste engagé dans une perspective antisioniste, et bien que mon analyse soit nourrie par ma formation académique, je ne prétends pas défendre une vérité scientifique ou strictement juridique.

Dans cette intervention, je vais d’abord tenter, avec toutes les limites de l’exercice, de définir ce qu’est le sionisme et d’en retracer quelques grandes évolutions historiques et je montrerai que l’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme n’a pas lieu d’être et est loin d’aller de soi historiquement, ce que l’on oublie tant l’identité entre ces deux termes se présente comme hégémonique dans le débat public. Ensuite, j’expliquerai pourquoi l’État israélien tel qu’il existe aujourd’hui est structurellement incompatible avec une perspective émancipatrice et libertaire. Enfin, je défendrai la position qui est la mienne : celle du mot d’ordre « From the river to the sea », qui s’oppose à la solution de l’État binational, souvent avancée dans le débat. J’expliquerai pourquoi. Toutefois, je montrerai aussi que pour moi il n’y a pas de réel opposition entre les deux pistes de solutions et qu’elles sont plutôt complémentaire car elles répondent à des conditions différentes. J’ajoute que ma position sur la question est aussi entrain de changer et que j’aurais tendance à esquisser que, dans certaines conditions bien précises, un avenir multinationale pourrait se révéler une voie véritablement révolutionnaire.

Évidemment, tout cela est dense, et je n’aurai pas le temps de tout aborder en profondeur. Mais je serai ravi d’en discuter avec vous par la suite, dans le cadre du débat.

Sur ce, commençons.

I. Qu’est-ce que sionisme ?

Comme annoncé en introduction, cette intervention se déroulera en plusieurs étapes. Tout d’abord, je commencerai par définir le sionisme et retracerai très rapidement les grandes lignes historiques. Ensuite, j’examinerai les ruptures1 et les continuités2 du projet sioniste en lien avec la création de l’État israélien. J’exposerai que c’est en raison des continuités historiques et structurelles entre le projet sioniste à ses débuts, son incarnation à travers l’État israélien à partir de 1948 et la colonisation actuelle que la dissolution de ces structures et leur transformation se justifient. Cette réflexion me conduira naturellement à interroger la nature coloniale de l’État israélien, et plus précisément son caractère spécifique de colonie de peuplement3. Enfin, j’examinerai les propositions de structures alternatives dans un dernier chapitre.

A. Définition 

Le sionisme est une idéologie et un projet politique visant à établir un État souverain exclusivement juif sur l’ensemble du territoire de la Palestine mandataire. Je vais maintenant chercher à expliciter cette définition afin d’en montrer les limites et de démontrer l’intérêt qu’il y a à saisir les continuités et la persistance des structures coloniales jusqu’à aujourd’hui.

B. Le sionisme d’hier à aujourd’hui : la consolidation d’une émancipation sélective, raciste, coloniale et suprémaciste blanche.

Le sionisme émerge officiellement en 1897 avec la tenue du premier congrès sioniste. Il constitue une réponse à l’antisémitisme qui se développe en Europe.

À partir de 1791, les Juifs d’Europe de l’Ouest bénéficient progressivement d’une émancipation, accédant au statut de citoyens à part entière4. Cette avancée juridique ne met cependant pas un terme au racisme à leur égard5. Parallèlement, en Europe centrale, orientale et dans l’Empire tsariste, les persécutions se poursuivent, culminant avec de violents pogroms dans les années 18806. C’est dans ce contexte que Theodor Herzl élabore son projet sioniste7. D’abord partisan de l’assimilation, comme nombre de Juifs libéraux de son époque8, il est profondément marqué par les pogroms en Russie ainsi que par l’affaire Dreyfus9. Il en tire un constat central : l’impossibilité de l’assimilation des Juifs et l’inéluctabilité de l’antisémitisme10, qu’il perçoit comme une loi immuable de l’histoire. En effet, même en France, pays de l’émancipation, l’antisémitisme demeure11. Dès lors, la seule solution, selon lui, réside dans la création d’un État exclusivement juif12. Bien que le projet de colonisation en Palestine soit devenu central au XXe siècle, d’autres territoires avaient été envisagés, comme l’Ouganda, l’Argentine ou Madagascar13. Theodor Herzl avait d’ailleurs exploré l’idée d’une colonie à Madagascar avec les autorités françaises. Ce qui me permet de préciser que, d’emblée, le sionisme est un nationalisme à l’image des nationalismes naissant dans toute l’Europe du XIXe et du XXe siècle, et il partage avec eux toutes les idées colonialistes et suprémacistes de son temps14. Cet aspect est particulièrement frappant dans son argumentaire pour justifier la colonisation sioniste en Palestine. Cet argumentaire se résume rapidement au slogan : « Un peuple sans terre pour une terre sans peuple »15, qui s’impose alors comme un élément clé du discours sioniste. Il repose sur une imagerie coloniale européenne selon laquelle la Palestine serait un territoire vide, justifiant ainsi sa colonisation16. Or, cette vision est erronée17 : la Palestine était habitée et sa colonisation nécessite un processus long et conflictuel, ce qui en est la preuve. Par ailleurs, je rappelle que des identités locales (palestiniennes, syriennes, libanaises, etc.) existent au sein de l’Empire ottoman, qui est une structure de pouvoir tout à fait originale, combinant à la fois une grande centralisation et une décentralisation concomitante, qu’il est parfois assez difficile de saisir dans toutes ses articulations en tant qu’Européen18. En outre, il ne faut pas oublier qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, l’Empire ottoman connaît une forte décentralisation et un renouveau culturel qui entame une autonomisation culturelle et politique des provinces arabes de l’Empire ottoman19, processus qui s’achèvera à la Conférence de la paix de 1919, où le nationalisme arabe unitaire sera fortement concurrencé par des projets locaux aux assises tout aussi sérieuses20. Je parle de colonisation sioniste pour qualifier les projets et tentatives d’établissement de personnes juives portées par le projet sioniste en Palestine, car je rappelle que tous les Juifs qui s’installent en Palestine à partir de la fin du XIXe siècle ne sont pas animés par le projet sioniste21 et je rappelle que le peuple palestinien a toujours compris des Juifs, des musulmans et des chrétiens, et que ce n’est qu’entre 1948 et 1967 que la composante juive du peuple palestinien et des autres peuples du monde arabo-musulman sera ostracisée en raison des coups de boutoirs de la colonisation israélienne. En outre, toujours en ce qui concerne le bagage commun du sionisme avec les nationalismes coloniaux européens, il faut souligner que, pour Théodor Herzl, l’objectif n’est pas de créer un État ouvert à tous, mais un État exclusivement juif22. Et lorsqu’on parle d’un État exclusivement juif, il s’agit d’un État juif blanc, issu d’Europe centrale23. De plus, Herzl va développer tout un discours sur la nécessité de régénérer même les Juifs d’Europe centrale24. En d’autres termes, il s’agit pour lui de faire en sorte que ces Juifs retrouvent leur judéité essentielle, leur judaïsme fondamental25. Herzl fréquente d’ailleurs des milieux d’extrême droite, notamment Drumont26 et ces succeseurs fréquenteront la sphère antisémite de leur époque27. Il y a beaucoup de points communs entre la pensée de Herzl et celle de Maurras, par exemple28.

Cela ne signifie pas pour autant que le projet sioniste puisse être qualifié d’antisémite, loin de là29. Il s’agit plutôt de souligner que le sionisme, en tant que projet suprémaciste juif, s’inscrit dans une forme de suprémacisme blanc, nourri par l’idéologie coloniale de l’époque30. Dans cette vision, il n’y a pas de place pour les Palestiniens ou les Juifs non-blancs – en dehors de l’assimilation à la culture occidentale et leur « régénération »31. La terre est perçue comme une terre sans peuple, et s’il y a des habitants, leur effacement ou remplacement devient une option légitime32. Cela correspond à la fonction même de la colonisation et du peuplement.

Ainsi, ce projet, nourri par cette idéologie, met en évidence une convergence entre l’extrême droite et le mouvement sioniste. En effet, les deux partagent un même ennemi : l’assimilation33. L’extrême droite se réjouit de voir émerger le projet sioniste, car il permet de créer un espace destiné à accueillir tous les Juifs du monde34. À ce stade, la radicalisation de la « solution finale » n’apparaît qu’à partir de fin 1941, et les autorités nazies ne souhaitent, dans un premier temps, que l’expulsion des Juifs. Le sionisme, dans ce contexte, se présente donc comme une solution. Pour les sionistes, l’extrême droite valide leur vision : l’assimilation est impossible, et il existe une idéologie de suprématisme blanc qui converge avec un ethnonationalisme de même nature35. En effet, l’assimilation signifie la fin d’une « race juive » qu’il convient de régénérer36.

Cependant, le sionisme de Herzl est loin d’être le seul projet sioniste dans le courant du début du XXe siècle. Celui de Herzl n’en est qu’un parmi d’autres. Notamment celui du Bund ou d’autres mouvements comme Brit Shalom qui voulaient créer une autonomie un foyer national juif pour faire revivre la culture juive sans revendiquer un État souverain juif, mais en assurant la coexistence harmonieuse avec le peuple palestinien37. Cependant, c’est le sionisme de Herzl qui s’est imposé sur les autres courants sionistes, notamment en jouant sur l’antisémitisme structurel et incorporé des interlocuteurs de Herzl, puis de Weizmann38, alors que le sionisme du Bund et d’autres groupes pouvaient se concilier avec différents projets nationalistes arabes qui avaient conservé le principe de la coexistence héritée, mais aussi repensée, de la politique ottomane39. Il est vrai qu’outre une communauté de vue en matière de nationalisme et de colonisation, de jeu sur le racisme antisémite des Européens, le projet sioniste de Herzl est le seul à avoir entrepris dès son origine une action diplomatique en vue de se faire reconnaître par les grandes puissances de l’époque40. C’est donc le sionisme de Herzl qui s’est imposé. En outre, des mouvements comme le Bund vont complètement disparaître à la suite des crimes nazis. Ainsi, « la naissance de l’État d’Israël a en quelque sorte sacralisé, institutionnalisé le sionisme de Herzl, ce sionisme nationaliste et colonialiste, et aujourd’hui Netanyahou est l’héritier des courants les plus radicaux du nationalisme, du colonialisme et du racisme sioniste »41. Dès lors, lorsque je me déclare antisioniste, je me déclare en opposition au sionisme de Herzl incarné et institutionnalisé par l’État d’Israël en raison des continuités coloniales et racistes qui les unissent. C’est à ce point-là que je vais m’atteler maintenant.

Je rappelle, comme je le disais ci-dessus, qu’avant 1948, le sionisme est très loin d’être majoritaire, il est même très minoritaire42. Tout d’abord, les religieux ont longtemps estimé qu’il s’agissait d’un blasphème de proposer la création d’un État en Palestine43. Selon eux, seul le retour en Palestine pouvait être initié à la fin des temps, avec le retour du Messie44. Je vais anticiper un peu, mais ce n’est qu’à partir de 1967 que les religieux vont progressivement se rallier au projet sioniste. En effet, c’est à ce moment-là que la conquête définitive de Jérusalem, un événement auquel ils ne s’attendaient pas à voir, va avoir lieu. Ensuite, il y a les Juifs marxistes qui, pour la plupart, sont internationalistes et, à ce titre, s’opposent de façon virulente au sionisme qu’ils voient comme une prolongation de l’impérialisme européen45. Enfin, un certain nombre de personnes juives disposant d’une nationalité pleine et entière dans les pays d’Europe de l’Ouest, comme Edwin Montagu, secrétaire d’État aux Indes britanniques46. Pour elles, la conséquence de l’instauration d’un État juif en Palestine impliquera que les Juifs dans le reste du monde seront considérés comme étrangers dans leur propre pays et pourront être expulsés vers ce nouvel État47.

Ensuite, les projets sionistes au départ sont multiples et tous n’impliquent pas forcément l’instauration d’un État souverain et encore moins un État nationaliste, raciste et suprémaciste blanc48. Ce qui fait qu’on a pu, au commencement, y trouver des anarchistes comme Bernard Lazare49. Toutefois, à partir du début du XXe siècle, le sionisme se consolide et se structure autour du projet développé par Herzl. Dès lors, des anarchistes tels que Bernard Lazare s’y opposeront d’emblée50. Néanmoins, ce n’est pas parce que le projet sioniste de Herzl devient hégémonique au début du XXe siècle qu’il ne comprend pas une pluralité de courants politiques en son sein51. Au sein de l’organisation sioniste, l’association juive qui cherche à mettre en œuvre le projet de Herzl, on retrouve des communistes, des sociaux-démocrates, des libéraux et puis, de l’État, des authentiques fascistes52. D’ailleurs, il est important de rappeler que c’est la gauche du mouvement sioniste qui est au pouvoir jusqu’en 1977 et que la droite ne s’installe durablement dans les structures de pouvoir israéliennes qu’à partir des années 200053. Il ne faut donc pas oublier que pendant la majorité de l’existence de l’organisation sioniste, puis de l’agence juive, puis de l’État d’Israël, c’est la gauche qui colonise. Ainsi, le projet émancipateur des gauches socialistes de certains peut être compatible avec l’asservissement, la domination et l’anéantissement d’autres54. Ainsi, s’il ne faut pas nier l’extrême diversité politique qui existe au sein de l’organisation – et plus largement du mouvement – sioniste, il ne faut pas oublier que, le projet de Herzl étant devenu hégémonique au début du XXe siècle, le cadre dans lequel s’exprime cette diversité de points de vue politiques est celui d’une colonisation de peuplement raciste et suprémaciste blanc55. Ainsi, ces ambitions coloniales sont structurelles au sein du mouvement sioniste. Autrement dit, il est tout à fait possible de rencontrer des personnes défendant sincèrement l’idée d’un État fondé sur la justice sociale et l’égalité pour tous au sein du mouvement sioniste56. Toutefois, cette égalité et cette justice sociale demeurent conditionnées à l’appartenance à la catégorie des Juifs blancs d’Europe centrale57. Sinon, vous n’êtes plus sioniste, en raison du caractère structurel du projet colonial au sein du sionisme. En effet, si la question du traitement des Arabes et des Palestiniens en particulier est centrale, il est également essentiel d’évoquer celui réservé aux Juifs non-blancs58 dans l’histoire du mouvement sioniste et dans le processus de création de l’État israélien.

En effet, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le fait que, pour Herzl, il s’agissait d’un projet politique devant servir à la régénération du « juif d’Europe centrale ». Toutefois, cette conviction se poursuit et se matérialise dans le cadre de l’État israélien. Dès 1947, des figures comme Ben Gourion organisent l’arrivée de Juifs yéménites, marocain ou irakien59, mais ces derniers sont placés dans un statut inférieur60 et envoyés sur les lignes d’armistice61. De 1984 à 1991, Israël fait venir massivement des Juifs d’Éthiopie. Une fois sur place, cependant, ils subissent le même traitement que toutes les minorités raciales dans le cadre d’un projet colonial suprémaciste.

Par ailleurs, dans les années 1990 et 2000, la colonisation se poursuit alors que les accords d’Oslo sont au point mort. En 2017, le parlement israélien vote une loi sur la colonisation des territoires occupés62, et, en 2018, la loi sur l’État-nation renforce le caractère exclusivement juif de l’État israélien sur tout le territoire de la Palestine mandataire63. En effet, c’est bien la totalité de la Palestine dont il est question de coloniser. C’était déjà le cas pour Herzl64, pour Weizmann à la conférence de la paix de 1919 et les négociations qui en découlent65, pour l’ensemble du mouvement sioniste dans l’entre-deux-guerres mondiales66, pour Ben Gourion67 à la naissance de l’État israélien et pour Golda Meir par la suite68. Depuis les années 1990-2000, la position de l’État israélien est incontestable à ce sujet.

Ainsi, pourquoi continuer à employer le terme sioniste alors que l’État israélien existe aujourd’hui ? On pourrait en effet considérer que la création de cet État marque l’aboutissement du projet sioniste et, par conséquent, sa fin. Pourtant, il me semble que l’État israélien en constitue plutôt l’incarnation, comme nous l’avons vu avec l’historien Enzo Traverso et d’autres. Ensuite, dès ses origines, le sionisme a visé la colonisation de la totalité de la Palestine mandataire pour y implanter un État exclusivement juif, et cette dynamique reste toujours d’actualité dans le cadre de l’État israélien.

Si j’utilise encore ce terme aujourd’hui, et si d’autres militants préfèrent l’expression sionisme plutôt qu’ »État israélien » – bien que cette dernière demeure pertinente –, c’est parce que l’État israélien est avant tout une structure politique, certes stable, mais soumise à des évolutions et des mutations. En revanche, parler de sionisme permet de mettre en lumière les structures coloniales qui fondent cet État et qui demeurent pleinement actives. Contrairement à d’anciennes puissances impériales devenues des États postcoloniaux, Israël poursuit un processus de colonisation toujours en cours. Il ne s’agit pas d’un héritage révolu, mais d’un projet colonial encore à l’œuvre dans les politiques actuelles. Employer le terme sionisme, c’est insister sur cette continuité coloniale structurelle.

Je reviendrai plus en profondeur sur l’usage des concepts et de leur sens à la fin du chapitre 2 de cette présentation. Toutefois, ces quelques précisions rapides me permettent d’introduire la question qui structure le chapitre 2 de cette présentation : pourquoi, en tant qu’antisioniste, puis-je légitimement revendiquer la dissolution des structures de l’État israélien sans être considéré comme antisémite ?

II. Les motifs de la dissolution des structures étatiques israélienne

A. Le pourquoi d’une dissolution nécessaire

Un État, en tant qu’entité politique, ne possède pas de droit inhérent à l’existence69. En revanche, les peuples, eux, disposent du droit à l’autodétermination70. Il est donc légitime de remettre en question l’existence d’un État, dans la mesure où celui-ci constitue la concrétisation d’un projet politique, qui, comme tout projet, peut être contesté71. Un État ne bénéficie d’aucun privilège particulier en la matière. Ainsi, affirmer « mort à la Belgique » ou « mort à la France » ne constitue pas une attaque contre les populations, mais une critique des structures politiques en place. Un État n’a donc ni vocation à être éternel ni à exister en soi. Si, demain, l’Allemagne et la France décidaient de fusionner pour former un seul et même État, il s’agirait d’une transformation politique possible et légitime.

Dès lors, pourquoi revendiquer la dissolution de l’État israélien ? Tout simplement parce qu’il constitue l’aboutissement d’un projet colonial et qu’il en assure encore aujourd’hui sa perpétuation. Mais qu’est-ce qu’un projet colonial et pourquoi faut-il l’exclure ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de revenir sur une distinction apparue à partir de la Révolution française, celle qui oppose la gauche et la droite d’un côté et l’extrême droite de l’autre72. La gauche et la droite ont pour point commun de fonder leur projet politique, de postuler comme point de départ à leur action politique l’égalité de tous les êtres humains en droit et en dignité73. Certes, la gauche et la droite peuvent s’opposer sur les moyens à employer – intervention collective ou responsabilité individuelle –, elles s’accordent sur un principe essentiel, celui de l’égalité en droits et en dignité de tous les individus74. En revanche, l’extrême droite fonde son projet politique sur l’idée d’une inégalité naturelle entre les êtres humains75. Elle postule que certaines cultures et certaines populations sont supérieures à d’autres, et que cette supériorité leur confère le droit de discriminer, d’opprimer et, dans les cas les plus extrêmes, d’éliminer physiquement ceux qu’elles considèrent comme inférieurs76. C’est en raison de cette distinction fondamentale que l’extrême droite est exclue du débat public et de toute forme institutionnelle au titre du cordon sanitaire77. Or, quel type de régime politique repose précisément sur cette hiérarchisation des individus ? C’est le régime colonial.

Dans le cas de l’État israélien, il s’agit d’une colonisation de peuplement, c’est-à-dire un processus visant à remplacer une population par une autre78 à l’image de qu’a été la colonisation en Algérie et plus particulièrement encore en Afrique du Sud, en ce qui concerne l’absence de métropole de rattachement79. Toutefois, contrairement au cas sud-africain, la société israélienne n’est pas une société qui « besoin des « indigènes » pour survivre »80. En ce sens, un État colonial est structurellement un État d’extrême droite. Il ne s’agit pas de dire que tous les individus vivant dans cet État sont eux-mêmes d’extrême droite. Bien sûr, il existe des citoyens israéliens de droite, de gauche, voire d’extrême gauche et des citoyens israéliens d’extrême-gauche antisionistes. Cependant, les structures mêmes de cet État orientent les comportements, les mentalités et les actions possibles, notamment, dans une direction : celle d’un système colonial et suprémaciste. Ainsi, même les individus se revendiquant de l’extrême gauche auront du mal à remettre en question le caractère colonial de l’État, tant celui-ci constitue un impensé structurant leur propre réalité politique et sociale. Même si c’est loin d’être impossible en dépit du poids des structures.

C’est précisément ce qui s’est produit au sein du mouvement sioniste avant la création de l’État d’Israël : on y trouve une gauche influente, mais celle-ci conçoit son projet de justice sociale exclusivement en faveur d’une population déterminée81. C’est là tout le poids des structures coloniales et suprémacistes qui façonnent la société. C’est donc en raison de leur caractère structurellement d’extrême droite que les structures étatiques israéliennes doivent être dissoutes.

Je parle bien ici de la dissolution des structures sociales et politiques israéliennes, pas des personnes. Ce qui me permet de préciser les notions que j’emploie, telles que sionisme, antisionisme, État israélien, sionistes, citoyen israélien, et pourquoi je fais ces distinctions, avant de penser à l’épineuse question de ce qu’on met à la place des structures existantes.

B. Terminologie

J’ai donc défini le sionisme comme une idéologie et un projet politique visant à établir un État souverain exclusivement juif sur tout le territoire de la Palestine mandataire. J’ai tenté de montrer tout au long du premier chapitre, et particulièrement à la fin de celui-ci, la pertinence et l’actualité de ce concept. J’ai aussi indiqué en filigrane ce que j’entendais par antisionisme, mais je vais le repréciser pour éviter toute forme de malentendu.


L’antisionisme est la dénonciation et la lutte contre le projet de colonie de peuplement en Palestine pour instaurer un État exclusivement juif, dont Herzl est le fondateur et l’État israélien est aujourd’hui l’incarnation et le continuateur82.


Ainsi, au vu des distinctions et des continuités que j’ai dressées plus haut et de la présente définition, l’antisionisme n’est pas de l’antisémitisme83. « On peut être antisioniste pour une série de raisons qui n’ont rien à voir avec l’antisémitisme : par engagement pour le droit international, les droits de l’Homme, les droits des Palestiniens, la paix au Moyen-Orient, par opposition au nationalisme ethnique, à l’occupation militaire, à l’inégalité de traitement, à la dépossession de masse »84. J’ajoute que, pour ma part, c’est principalement la lutte contre l’ethnonationalisme, le colonialisme et plus largement la lutte contre l’extrême droite, comme je l’ai évoqué plus haut, ainsi que mon engagement pour la dignité de toustes sans distinction, qui fait que je me revendique antisioniste.

Certes, certains antisémites notoires se cachent derrière l’antisionisme pour se crédibiliser85, mais ce phénomène à lui seul ne peut suffire à décrédibiliser ce mouvement pour l’émancipation de toustes et non pas seulement de certaines personnes juives, au détriment de toutes les autres en raison du racisme structurel bien réel que l’on nomme antisémitisme, que les premières subissent. « Un antisioniste ne peut être taxé d’antisémitisme que si un certain nombre de conditions préalables sont remplies : s’il projette la figure mythologique du juif héritée de l’antisémitisme “sur l’État d’Israël car c’est un État juif”, sur “le sionisme car c’est un mouvement juif” ou s’il tient l’ensemble des juifs pour responsables des agissements dudit État »86. À ce titre, l’exposé qui précède se distingue nettement de ces cas de figure. Toutefois, je vais me permettre de faire quelques précisions afin de m’assurer d’être très clair, notamment à l’égard de la question de la responsabilité de tous les juifs pour les agissements de l’État d’Israël, au regard de la situation contemporaine.

Hier comme aujourd’hui, toutes les personnes juives ne sont pas sionistes. Il existe de nombreuses associations juives antisionistes comme Tsedek ou l’UJFP en France, ou AJAB en Belgique. Par ailleurs, tout citoyen israélien n’est pas, du seul fait de sa naissance sur le territoire israélien et de l’obtention d’une nationalité israélienne pleine et entière, un sioniste. En effet, comme je l’expliquais plus haut, pour le mouvement sioniste et plus tard pour l’État israélien, ce sont les structures sociales et étatiques israéliennes qui se fondent sur le sionisme. Elles forment un cadre contraignant de pensée dans lequel, en raison des forces qu’elles exercent sur les individus, il est plus difficile de remettre en cause la colonisation de peuplement sur une base ethnonationale, mais ce n’est pas impossible. Comme en témoigne notamment l’organisation Matzpen, qui fut une organisation d’extrême gauche résolument antisioniste issue de la société israélienne elle-même87. Cette organisation militait activement pour la « désionisation d’Israël »88. Je reviendrai sur cette organisation dans le troisième chapitre de cette présentation. Par ailleurs, pour le surplus sur ce point, je renvoie à la distinction et à l’articulation des notions d’État israélien et de sionisme esquissées au chapitre 1 de cette présentation.

Enfin, en conséquence de toutes ces ruptures et de ces continuités, certaines personnes en viennent à se demander si l’antisionisme recouvre la critique du projet historique de Herzl, de la colonisation des territoires palestiniens après 1967 ou la mise en cause de l’existence de l’État d’Israël. Je répondrai qu’il s’agit d’une articulation de ces trois niveaux. Mon antisionisme comprend une critique et une remise en cause de l’État d’Israël dans sa forme et dans ses structures actuelles. En un mot, il comprend une critique de la politique israélienne, mais il ne s’y limite pas. Mon antisionisme récuse le plus fermement qu’il me soit possible le projet ethnonationaliste de Herzl. Par conséquent, je me dois aussi de militer pour l’abolition de l’État israélien dans sa forme actuelle, en raison des continuités structurelles entre le sionisme de Herzl et les structures étatiques israéliennes qui incarnent et prolongent les aspects les plus contestables du sionisme. Enfin, la colonisation, parce qu’elle est la concrétisation de ces aspects, doit être dénoncée, et ce, dès 1947. Je renvoie pour ces articulations à ce que j’ai dit plus haut.

III. L’avenir au regard du passé et du présent

Ainsi, le sionisme naît d’une nécessité d’émancipation des juifs qui subissent l’antisémitisme structurel des sociétés et des États-Nations européens. Cette nécessité d’émancipation face à l’une des formes du racisme doit être reconnue et prise en compte. Toutefois, force est de constater que la matérialisation de cet idéal fut l’asservissement, la domination et l’anéantissement d’un peuple pour garantir l’émancipation d’un autre. Or, ma position est sans ambiguïté et d’une extrême fermeté sur ce point : l’émancipation des uns ne peut pas se construire sur la domination des autres, au risque, pour un projet politique — aussi juste soit-il par ailleurs — de perdre sa dimension d’émancipation89. Ceci pose bien évidemment la question des conditions de possibilité ou non de l’émancipation. D’ailleurs, j’ai écrit une sorte d’état des lieux sur cette question pour un autre séminaire que j’aimerais pouvoir partager ici à l’occasion. Plus largement, cette assertion pose aussi question dans le cadre des relations Nord-Sud. En effet, certaines formes d’émancipation dont je bénéficie en tant que personne handicapée se font sur le dos des plus précaires ici et sur celui de la domination Nord-Sud. Ainsi, l’ordinateur qui permet certaines formes d’émancipation impliquent l’extraction de métaux rare et leur disposition en abondance. Il est important de garder à l’esprit la distinction entre ma situation et celle que je dénonce. Ce qui n’enlève rien à la critique, mais qui est néanmoins nécessaire.

En outre, si je considère que l’émancipation de toustes dans l’espace palestinien requiert la dissolution des structures actuelles de l’État israélien, je tiens à préciser qu’il revient aux peuples concernés, en particulier au peuple palestinien, de déterminer la voie de sa libération du joug colonial. Toutefois, j’ai bien entendu des préférences personnelles que j’entends exposer, notamment parce qu’il serait bien facile et confortable d’appeler à la disparition des structures sociales existantes sans me confronter à la très difficile question de la transformation des structures sociales et politiques existantes. Ceci aussi pour nourrir le débat sur les alternatives autour des enjeux et conséquences concrètes. Néanmoins, il ne s’agit ni plus ni moins que de positions personnelles en évolution sur certains points. J’entends donc proposer, mais ne pas chercher à imposer aux acteurs une voie.

Je vais maintenant explorer les différentes pistes de solutions les plus couramment évoquées. Je souhaite préciser d’emblée qu’aucune solution n’est applicable à court ou moyen terme, que chacune va nécessiter un important travail tant à l’échelle locale qu’internationale, en raison du fait que la question palestinienne est l’incarnation des contradictions qui fondent notre société internationale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Autrement dit, la paix n’est certainement pas pour demain. En effet, aucune des principales solutions évoquées à la question n’est de nature à garantir la paix en Palestine. En outre, il faut être conscient du fait que chacune des solutions présente des avantages et des inconvénients. Ce que je désigne comme inconvénients sont soit les aspects d’une solution qui contiennent des germes de conflits futurs entre les groupes sociaux au sein de l’espace palestinien, soit qui contiennent des nécessités de réformes des structures sociales de notre société internationale et, selon la solution envisagée, il s’agit d’une réforme ou même d’une révolution internationale. Dès lors, la solution est moins à trouver qu’à construire. Certes, l’enjeu est titanesque, mais si on ne travaille pas activement à la coconstruire, aucune solution n’apparaîtra miraculeusement. Ainsi, pour citer Gramsci : « Allions le pessimisme de la raison à l’optimisme de la volonté » ou, sur un ton plus mélancolique, avec Cyrano de Bergerac : « C’est inutile ? Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès. C’est bien plus beau lorsque c’est inutile. »

A. Deux Etats

La solution à deux États repose sur un compromis qui, dès le départ, exigeait des Palestiniens qu’ils renoncent à plus de trois quarts de leur territoire historique. Elle implique une reconnaissance tacite des faits accomplis par la colonisation sioniste et, plus tard, israélienne. Ce projet a toujours été sujet à de fortes oppositions, comme en témoignent les assassinats de Yitzhak Rabin et de Yasser Arafat, qui ont chacun, à leur manière, marqué un coup d’arrêt aux avancées possibles. L’assassinat de Rabin, en particulier, a mis en évidence le manque de consensus au sein des structures israéliennes pour une telle solution.

Par ailleurs, depuis l’adoption d’une loi en 2017, l’État israélien reconnaît officiellement et encourage les colonies en Cisjordanie et dans les territoires occupés, ce qui rend la perspective d’un État palestinien viable de plus en plus illusoire. De plus, les citoyens palestiniens d’Israël, bien que techniquement dotés de la citoyenneté israélienne, sont soumis à un régime d’infériorité juridique qui rappelle, dans une certaine mesure, le statut des Algériens sous la colonisation française. Ainsi, non seulement la solution des deux États est de plus en plus compromise, mais elle entérinerait également une situation profondément inégalitaire. Sans parler de la question du droit au retour des réfugiés palestiniens et de leurs descendants, qui ne pourra pas se faire dans les 3/4 du pays aux mains de l’État israélien. Enfin, la seule constitution de deux États risque simplement de faire passer le conflit d’un conflit de libération nationale à un conflit international (entre deux États souverains). Toutefois, il faut noter que c’est la solution la plus simple à mettre en place au regard du droit international. Cette solution n’implique aucune transformation des structures sociales de la société internationale. Au contraire, elle les consacre en reproduisant le mode de résolution des conflits qui lui a donné naissance, à savoir le gel du conflit par division de l’espace90.

B. From the river to the sea

Je souhaite maintenant explorer la question du projet politique proposé par le slogan From the river to the sea et déconstruire certaines idées reçues à son sujet. Contrairement à une interprétation erronée, ce slogan ne prône pas l’établissement d’un État exclusivement palestinien sur l’ensemble de l’ancienne Palestine mandataire, ni l’expulsion des populations israéliennes, ni leur relégation à un statut inférieur en représailles à la colonisation. Loin de cette vision, il s’agit d’un projet fondé sur l’égalité des droits et de la dignité pour toutes les personnes vivant sur ce territoire.
Ce principe d’un État unique garantissant l’égalité entre tous ses citoyens n’est pas une idée nouvelle. Il fut défendu dès 1919 par la délégation arabe lors de la Conférence de la paix, qui revendiquait un État arabe unifié reposant sur l’égalité des droits pour tous, y compris en Palestine91. L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a également porté cette revendication sous l’appellation de Palestine démocratique, illustrant ainsi l’idée d’un État qui reconnaîtrait la dignité et l’égalité de tous ses habitants
qu’ils soient israéliens ou palestiniens aujourd’hui92 .

Cette solution présente l’avantage de garantir l’égalité de toustes sur un même espace et donc de garantir l’effectivité du droit au retour. Toutefois, fondre les groupes sociaux dans une seule entité politique sans reconnaissance de certaines formes d’autonomie, de décentralisation et sans un travail actif pourrait aussi générer de vifs conflits. Toutefois, elle présente l’avantage de garantir l’égalité des droits et de la dignité de tous. Bien sûr, cette égalité de droits et de dignité n’implique pas forcément un État unitaire centralisé. Il peut s’accompagner d’un fédéralisme poussé et aussi de mesures de discrimination positive ou de compensations actives afin de contrebalancer le poids des structures coloniales. Il présente l’avantage d’offrir la garantie d’égalité et la possibilité de la mise en œuvre d’une équité sans remettre en cause les structures sociales de notre société internationale.

C. L’État binational

Ces solutions sont intéressantes, mais elles n’impliquent pas une transformation des structures sociales de notre société internationale, qui est fondée sur un ensemble d’îlots ethnonationaux : des États-nations. Autrement dit, sur l’identité entre territoire, structures de pouvoir, populations et identité, ou plutôt image de soi et des autres. L’identité entre ces notions est telle que la mobilisation de l’un de ces termes suffit à impliquer et à désigner l’un ou l’autre, faisant oublier l’appropriation comme articulation de ces termes93. Ainsi, l’idée d’une structure politique territorialisée multinationale est une piste révolutionnaire de moyen terme vraiment stimulante. 0 long terme, il convient de se débarrasser de ce concept de nation. Dans le cadre de la question palestinienne, l’idée d’un État binational est une alternative souvent évoquée, mais elle soulève des interrogations conceptuelles et pratiques. Aujourd’hui, le droit international ne reconnaît que des États-nations souverains ; il n’existe pas de véritable modèle d’État binational. Ainsi, lorsqu’on demande à quelqu’un de définir ce concept, il est souvent assimilé à un État fédéral.

Un problème majeur se pose alors : même dans les États fédéraux que nous connaissons et qui s’inscrivent dans le système juridique international actuel, l’application du droit repose sur l’adéquation entre un territoire, une population, etc… Or, dans un État binational, que se passerait-il si l’une des deux entités refusait de ratifier un traité ? Par exemple, si un traité contre la torture était signé par une autorité palestinienne mais rejeté par une autorité israélienne, ou inversement, cela impliquerait que le même territoire se retrouve soumis à des régimes juridiques divergents en fonction de l’identité nationale des habitants. De plus, la mise en place rapide et efficace d’un État binational, dans le cadre des structures sociales actuelles de notre société internationale, nécessiterait probablement un recensement précis des populations, ce qui, dans un contexte de tensions et d’affrontements identitaires, pourrait favoriser des violences et des déplacements forcés, comme cela s’est déjà produit dans d’autres contextes historiques (Rwanda, Yougoslavie). Même dans un pays fédéral comme la Belgique, les différences juridiques s’appliquent de manière territoriale et non individuelle.

Initialement, j’étais totalement opposé à la solution binationale, précisément en raison de ces impasses juridiques et des risques qu’elle comporte. Toutefois, ma réflexion a évolué. Je considère désormais que, dans une perspective révolutionnaire, cette solution peut être la plus pertinente, à condition qu’elle ne s’applique pas uniquement à la Palestine, mais soit pensée de manière globale. En effet, si la Palestine devient un État binational sans transformation des structures sociales de notre société internationale, il s’agira du seul État binational au monde. Ce qui rappellerait aux uns et aux autres la forme de l’indépendance politique qui leur a été refusée, alors que tous les autres peuples du monde ont eu droit à leur État-nation, seul étalon d’une relative émancipation des peuples dans notre société internationale. Ainsi, à droit et système constants, la binationalité de leur État rappellerait en permanence aux uns et aux autres leur émancipation refusée ou, tout le moins, partielle, et ils reprendraient les combats pour atteindre ce que seule notre société internationale reconnaît comme émancipation aboutie à son échelle : l’État-nation.

L’enjeu serait alors de repenser en profondeur les structures étatiques et la relation entre État et nation. Un tel projet ne se limiterait pas à résoudre la question israélo-palestinienne, mais chercherait à déconstruire les mécanismes de domination inhérents aux États-nations eux-mêmes. Cela opérerait un découplage entre la structure de pouvoir d’un côté, le territoire, les populations et la vision de soi et des autres de l’autre. Dans cette optique, la solution From the river to the sea et le concept d’un État binational ne sont pas antinomiques, mais complémentaires, selon le contexte dans lequel ils s’inscrivent. En effet, l’égalité de droits et de dignité de toustes sur un même territoire pose les germes minimaux de l’État binational, même si l’État binational va plus loin en reconnaissant plus facilement, mais surtout plus explicitement, la diversité et l’hétérogénéité des populations, garantissant le garde-fou de l’égale dignité de toustes et la fluidité des identités. Ces deux solutions sont complémentaires dans le sens où, outre le fait que la première pose la condition minimale de la seconde, la première est applicable à droit constant comme première étape, à condition de ne pas s’arrêter en chemin dans le processus révolutionnaire, bien sûr.

D’ailleurs, dans la continuité de ce que je viens de dire, certaines initiatives politiques issues de la société israélienne elle-même, comme le projet du mouvement Matzpen, s’inscrivent dans une démarche quasiment identiques à ces revendications94. Leur vision se rapproche à la fois de la solution binationale et du projet From the river to the sea, en mettant l’accent sur l’égalité et la justice sociale au sein d’un même territoire95.

Ainsi, le binationalisme pourrait représenter une véritable alternative révolutionnaire, à condition qu’il ne se limite pas à la Palestine mais s’inscrive dans une refonte globale des structures de pouvoir et des modèles d’organisation politique. L’enjeu n’est pas seulement de trouver une solution locale, mais de repenser en profondeur la manière dont les États et les peuples coexistent et s’organisent.

1E. Traverso, La fin de la modernité juive: histoire d’un tournant conservateur, La Découverte-poche, Paris, la Découverte, 2016, pp. 130 136.

2Ibid., p. 137 ; D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ? réponse à Emmanuel Macron, Paris, Libertalia, 2018, p. 17.

3A. Gresh et P. Rekacewicz, Israël, Palestine: vérités sur un conflit, Paris, Pluriel, 2017, pp. 101 109 ; E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., p. 130.

4H. Laurens, La question de Palestine. L’invention de la terre sainte (1799-1922), vol.I, Paris, Fayard, 1999, pp. 23 44.

5Ibid.

6Ibid., pp. 93 107.

7Ibid., pp. 161 163.

8D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit.

9H. Laurens, La question de Palestine. L’invention de la terre sainte (1799-1922), vol.I, op. cit., pp. 161 164 ; D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 13 14.

10D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 14.

11Ibid., pp. 13 14.

12Ibid., pp. 14 16, 50 et 97 ; E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., p. 137 ; R. Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie: une histoire croisée, Contreparties, Paris, Éditions Amsterdam, 2021, pp. 79 et 195.

13H. Laurens, La question de Palestine. L’invention de la terre sainte (1799-1922), vol.I, op. cit., pp. 166, 187, 189.

14E. Traverso, « Gaza devant l’Histoire, avec Enzo Traverso », chaîne youtube Au poste, entretien publié le 2 octobre 2024, disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=4Q_IGZdia1Q (consulté le 2 avril 2025), de 41 min à 44 min et 25 ;E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., p. 130.; R. Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie, op. cit., p. 79..

15D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 14 et 16.

16E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., pp. 133 134.

17Ibid. ; D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 16.

18R. Mantran et J.-L. Bacqué-Grammont (éds.), Histoire de l’Empire Ottoman, Paris, Fayard, 2009.Sur cette question suivre aussi l’ensemble des cours d’Edem Eldem au Collège de France disponible ici: https://www.college-de-france.fr/fr/chaire/edhem-eldem-histoire-turque-et-ottomane-chaire-internationale/events (consulté le 2 avril 2025)

19François Georgeon, « La montée du nationalisme turc dans l’État ottoman (1908-1914). Bilan et perspectives », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 1988, vol. 50, p. 33,40; Stéphane Valter, « Les prémices du nationalisme arabe: la société révolutionnaire arabe (1913-1914), son contexte historique et idéologique, et la rhétorique séditieuse de six factums subversifs », Bulletin d’études orientales, 2001, p. 381 408; Alain Dieckhoff, « La déconstruction d’une illusion. L’introuvable opposition entre nationalisme politique et nationalisme culturel », L’Année sociologique, 1996, vol. 46, p. 43-45 ; H. Laurens, Les crises d’Orient: 1768-1914, op. cit., pp. 212, 216 et 229; E. Longuenesse, « Le nationalisme arabe comme réponse à la crise ? », in Cycle « Le pouvoir politique et l’islam à travers l’histoire » – L’Islam à l’heure de la crise et du colonialisme, iReMMO, 2016, disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=Auldy7u4-JM (Consulté le 1 juin 2023), de 52 min à 53 min et 46 sec et de 54 min à 59 min; H. Laurens, « Les provinces arabes à la fin du XIXe », in Cours au collège de France, 13 novembre 2016, disponible sur https://www.college-de-france.fr/site/henry-laurens/course-2016-11-23-15h00.htm (consulté le 13 mars 2022), de 42 min à 46 min ;

20H. Laurens, Les crises d’Orient. La naissance du Moyen-Orient, 1914-1949, vol.II, Les crises d’Orient, Paris, Fayard, 2019, pp. 26, 94-95,98,100.

21D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 47 49.

22Supra.

23R. Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie, op. cit., p. 79 ; D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 50 ; E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., pp. 133, 137 139 ; H. Laurens, Les crises d’Orient. La naissance du Moyen-Orient, 1914-1949, vol.II, op. cit., pp. 67 68.

24D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 44 ; E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., pp. 137 139.

25D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 44.

26H. Laurens, La question de Palestine. L’invention de la terre sainte (1799-1922), vol.I, op. cit., pp. 162 163.

27H. Laurens, Les crises d’Orient. La naissance du Moyen-Orient, 1914-1949, vol.II, op. cit., p. 267.

28E. Traverso, « Gaza devant l’Histoire, avec Enzo Traverso », op.cit., de 41 min et 15 sec à 41 min et 44 sec.

29H. Laurens, Les crises d’Orient. La naissance du Moyen-Orient, 1914-1949, vol.II, op. cit., p. 267.

30Supra.

31E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., pp. 137 139.

32Ibid., pp. 130 et 134.

33H. Laurens, Les crises d’Orient. La naissance du Moyen-Orient, 1914-1949, vol.II, op. cit., p. 267.

34Ibid., p. 68.

35Ibid., p. 267 ; R. Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie, op. cit., p. 195.

36H. Laurens, Les crises d’Orient. La naissance du Moyen-Orient, 1914-1949, vol.II, op. cit., p. 267 ; D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 44.

37D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 41 42 ; E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., p. 134.

38H. Laurens, Les crises d’Orient. La naissance du Moyen-Orient, 1914-1949, vol.II, op. cit., pp. 69 et 100.

39S. Mousa, Almurasalat alttarikhiat, 1919 : althawrat alearabiat alkubraa, Amman, Matbieat alquwwat almusalahat al’urduniya, 1975, p.49-52.

40D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 17 ; E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., p. 131.

41E. Traverso, « Gaza devant l’Histoire, avec Enzo Traverso », op.cit., de 44 min et 25 sec à 44 min et 54 sec ; voy aussi : D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 17 et 49 ; R. Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie, op. cit., p. 80.

42E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., p. 130.

43D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 44.

44Ibid.

45Ibid., pp. 40 42.

46H. Laurens, Les crises d’Orient. La naissance du Moyen-Orient, 1914-1949, vol.II, op. cit., pp. 70 71.

47Ibid., p. 68.

48E. Traverso, « Gaza devant l’Histoire, avec Enzo Traverso », op.cit., de 41 min à 44 min et 25 sec.

49Ibid.

50E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., pp. 85 et 90.

51E. Traverso, « Gaza devant l’Histoire, avec Enzo Traverso », op.cit., de 41 min à 44 min et 54 sec.

52Ibid.

53D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 36 37.

54A. Gresh et P. Rekacewicz, Israël, Palestine, op. cit., p. 102.

55D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 17. ; E. Traverso, « Gaza devant l’Histoire, avec Enzo Traverso », op.cit., de 44 min et 25 sec à 44 min et 54 sec ; R. Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie, op. cit., pp. 79, 80.

56A. Gresh et P. Rekacewicz, Israël, Palestine, op. cit., p. 102.

57Ibid.

58D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 50.

59H. Laurens, La question de Palestine. L’accomplissement des prophéties (1947-1967), vol.III, Paris, Fayard, 2007, p. 263.

60Ibid., pp. 268 270.

61Ibid., pp. 261 262.

62D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 50 et 87.

63Ibid., p. 97.

64Ibid., pp. 14 15.

65H. Laurens, Les crises d’Orient. La naissance du Moyen-Orient, 1914-1949, vol.II, op. cit., p. 100.

66D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., p. 27.

67Ibid., p. 31.

68W. Karel et B. Finger, Une terre deux fois promise, Israël – Palestine, épisode 2, documentaire, ARTE Editions, 2018, disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=G6KEedib7xI (consulté le 4 avril 2025), de 43 min et 55 sec à 44 min et 48 sec.

69O. Corten et al., Une introduction critique au droit international, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2017, pp. 51 61 et 72.

70Ibid., pp. 73 85.

71Ibid., pp. 57 103.

72E. Plenel, L’appel à la vigilance: face à l’extrême droite, Paris, la Découverte, 2023, pp. 15 16.

73Ibid., pp. 9 33.

74Ibid.

75Ibid.

76Ibid.

77Ibid.

78E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., p. 130 ; A. Gresh et P. Rekacewicz, Israël, Palestine, op. cit., pp. 101 109.

79A. Gresh et P. Rekacewicz, Israël, Palestine, op. cit., pp. 102, 106.

80Ibid., p. 109.

81Ibid., p. 102.

82E. Traverso, « Gaza devant l’Histoire, avec Enzo Traverso », op.cit., de 44 min et 25 sec à 44 min et 54 sec ; voy aussi : D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 17 et 49 ; R. Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie, op. cit., p. 80.

83R. Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie, op. cit., p. 174.

84Ibid., p. 185.

85E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., p. 117.

86R. Zia-Ebrahimi, Antisémitisme et islamophobie, op. cit., p. 185.

87D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 57 59.

88Ibid., p. 57.

89E. Traverso, La fin de la modernité juive, op. cit., p. 138 ; A. Gresh et P. Rekacewicz, Israël, Palestine, op. cit., p. 102.

90N. Delbrassine, « La culture comme vecteur de construction et de différenciation de l’État : vers un État d’émancipation ? », in Séminaire ETAPE (éd.), Repenser l’État au XXIe siècle: libertaires et pensées critiques, Lyon, Atelier de création libertaire, 2023, pp. 515 524.

91S. Mousa, Almurasalat alttarikhiat, 1919 : althawrat alearabiat alkubraa, op.cit.

92H. Laurens, La question de Palestine. Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), vo.IV, Paris, Fayard, 2011, pp. 169 176 ; D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 92 93.

93N. Delbrassine, « La culture comme vecteur de construction et de différenciation de l’État : vers un État d’émancipation ? », op. cit.

94D. Vidal, Antisionisme = antisémitisme ?, op. cit., pp. 57 59.

95Ibid.

 

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