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ETAPE

 

Groupe ETAPE

Explorations Théoriques Anarchistes Pragmatistes pour l’Emancipation

 

à l’initiative de Philippe Corcuff et Wil Saver

 

Un groupe de recherche pluraliste sur les outils de la critique sociale et de l’émancipation dans une perspective libertaire associant des militants politiques radicaux, des praticiens des mouvements sociaux et des expériences alternatives, des intellectuels professionnels, des artistes subversifs et des sympathisants des causes critiques.
Le groupe ETAPE est associé à Grand Angle libertaire.

Séminaire mensuel à partir de juin 2013

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Présentation générale de la démarche ETAPE lors du premier séminaire – par Philippe Corcuff (14 juin 2013) :

 

Je voudrais ouvrir par quelques mots introductifs le premier séminaire mensuel du groupe ETAPE (Explorations Théoriques Anarchistes Pragmatistes pour l’Emancipation), avant de passer à la séance proprement dite autour d’un texte d’Irène Pereira.

 

Cinq constats

 

Ce groupe et ce séminaire sont nés au croisement de cinq constats et zones d’interrogations :

1) Le niveau de la formulation même des problèmes et des questions – ce que j’appelle aussi la réinterrogation des « logiciels » de la pensée critique et émancipatrice – est souvent déserté sous le prétexte des urgences et des sollicitations immédiates. Or, à un moment où, après presque deux siècles d’échecs divers du combat anticapitaliste pour faire émerger une société émancipée durable, la quête d’une politique d’émancipation renouvelée est pleinement légitime, ce travail sur le moyen terme apparaît particulièrement nécessaire.

 

2) Il y a des tendances fortes dans la période à la dissociation des milieux militants et des milieux intellectuels professionnels, avec une pente à un intellectualisme auto-centré chez les seconds et des poussées anti-intellectualistes chez les premiers. Il y a besoin alors de revivifier des espaces des dialogues, de travail coopératif et de confrontations entre milieux militants et milieux intellectuels professionnels, mais aussi avec les milieux culturels et artistiques alternatifs, comme le secteurs les plus critiques et indépendants des médias. Mais cette réactivation doit tenter d’éviter une tendance lourde des expériences antérieures centrées sur l’activité intellectuelle à visée politique : l’hégémonie des universitaires et la marginalisation des militants. D’où l’importance d’une plus forte proportion de militants, d’intellectuels-militants et de militants-intellectuels par rapport aux intellectuels classiques dans ce type d’expérience. Et d’une diversité d’expériences syndicales, associatives, partisanes, etc. du côté militant. Cela est en rupture avec les tentations du philosophe-roi, du sociologue-roi, de l’économiste-roi, du psy-roi, etc. historiquement marquantes et encore prégnantes aujourd’hui. Par exemple, on a vu il y a peu la réactivation mao-platonicienne de la figure du philosophe-roi avec la place prise par Alain Badiou dans l’espace public-intellectuel, l’importance prise par la contre-expertise économique à Attac, à la Fondation Copernic et chez les économistes atterrés dans les gauches critiques et les mouvements sociaux, et donc d’une modalité de l’économiste-roi, ou la réactivation de la figure du sociologue-roi avec la récente initiative d’universitaires d’inspiration bourdieusienne « Champ libre aux sciences sociale », avec son Manifeste La connaissance libère, qui fleure bon un style scientiste-élitiste « Lumières du XVIIIe siècle for ever ». Même si les deux derniers types d’exemples (la contre-expertise économique et les sociologues « libérateurs ») peuvent avoir une certaine utilité dans les mouvements sociaux et la politique critique, on voit bien que cela reconduit des travers classiques dans la production des idées critiques et émancipatrices. On va tenter, pour notre part, d’emprunter des sentiers s’écartant davantage des ces autoroutes classiques, mais sans garantie définitive qu’on ne retombe pas en chemin sur ces autoroutes…

 

3) La formule des conférences destinées à un public large, très prisée dans les gauches radicales, n’est pas adaptée au travail de réélaboration intellectuelle de moyen terme. Il s’agit plutôt de stabiliser des habitudes coopératives dans un groupe plus restreint, avec des effets de cumul du travail dans le temps.

 

4) L’activité principale de ce type de travail n’est pas de produire lui-même de nouvelles idées, de nouveaux concepts, de nouveaux types d’interrogation et de clarification, même si de telles choses pourraient surgir de manière plus marginale dans une telle expérience. Mais la visée principale est plus modeste : un travail de transformation d’idées puisées dans les milieux intellectuels professionnels ou dans des pratiques alternatives en les mettant en perspective politiquement, en effectuant un travail de traduction politique et de filtrage à partir d’expériences militantes. La valeur ajoutée principale de ce type de travail consisterait non dans l’invention d’idées, mais dans des transformations politisantes et dans des filtrages militants. Il s’agirait donc d’une transformation secondaire de produits intellectuels.

 

5) Les idées anarchistes et libertaires, historiquement souvent trop marginalisées dans les gauches, ont à être réévaluées et réactualisées dans la perspective de l’élaboration d’une nouvelle politique d’émancipation. Cela suppose d’en faire l’axe de la réflexion, mais de manière ouverte et sans exclusive vis-à-vis d’autres courants politiques et intellectuels. D’où la nécessité d’un pluralisme des expériences et courants libertaires dans ce type de projet, ainsi que d’une ouverture à des courants non strictement ou uniquement libertaires, mais intéressés par des idées libertaires.

 

ETAPE et Grand Angle ?

 

Par ailleurs, ce groupe et ce séminaire sont nés aussi des interférences avec un autre projet intellectuel et culturel libertaire : le nouveau site internet libertaire Grand Angle (http://www.grand-angle-libertaire.net/). Grand Angle aura une palette d’activités plus large que cette réflexion cumulative de moyen terme sur les « logiciels » de la pensée critique et émancipatrice. Il y a aura donc association, collaboration et intersections entre les deux projets.

Pourquoi ce nom ETAPE ? Parce que c’est un moment, modeste, dans la reconstruction d’une politique d’émancipation ajusté aux enjeux du XXIe siècle, à partir des limitations du contexte français. Que cette expérience aura une vocation exploratoire et tâtonnante. Que la composante théorique doit être, dans la conjoncture militante, réévaluée, mais dans un rapport pragmatique aux pratiques militantes et aux expériences alternatives. L’expression « pragmatistes » jouant de plusieurs tonalités : les sens ordinaires, philosophiques et sociologiques du terme. L’anarchisme sera un axe principal mais non exclusif. Et l’on s’efforcera de mieux réarrimer la critique sociale à une perspective émancipatrice, le décryptage du négatif à l’horizon d’un positif comme aux pratiques émergentes se situant dans cet horizon. La notion d’émancipation sera elle-même explorée dans ses dimensions historiques et dans les sens contemporains qu’elle peut prendre. Tout cela explique aussi le thème transversal de notre séminaire mensuel à partir d’aujourd’hui : « Emancipation(s) et pragmatisme ».

Nous avons pris l’initiative avec Wil Saver de lancer le processus et lui d’assurer, dans un premier temps, la fonction technique de coordinateur. Mais avec le soutien de l’équipe initiale de Grand Angle et l’intérêt manifesté par une série de personnes extérieures à Grand Angle. Et l’expérience est ouverte, de logique coopérative, à la dynamique expérimentale et donc ouverte à des redéfinitions en cours de route.

Pour l’instant, le dispositif principal est le séminaire mensuel parisien. Nous avons voulu commencer avant les vacances scolaires, et la deuxième séance devrait avoir lieu en septembre. Ils seront tournés soit autour de théories-concepts-auteurs-courants, soit autour de pratiques alternatives, passées et présentes.

 

Dispositif du séminaire mensuel

 

Pour mieux rendre le travail coopératif et faciliter le cumul collaboratif de ce travail, nous avons imaginé un dispositif : 1) un ou plusieurs intervenants écrivent un ou plusieurs textes à l’avance ; 2) le texte n’est pas présenté par son auteur mais par un rapporteur « compréhensif » (qui en présente les points forts à sa manière) et un rapporteur « critique » (sous l’angle de questionnements ou de remarques plus critiques sur le texte) ; 3) l’auteur réagit ; et 4) il y a une discussion générale avec l’ensemble des participants. Suite au séminaire est proposée à la publication sur Grand Angle une série de textes : le texte de l’invité, éventuellement modifié en fonction de la discussion, le rapport « compréhensif » et le rapport « critique » (eux aussi éventuellement modifiées en fonction de la discussion), et puis les textes éventuels que pourraient proposer d’autres participants au séminaire. Donc n’hésitez pas à proposer de tels textes à propos de séances qui vous ont particulièrement interpelés ! Les signatures pourront être individuelles ou de petits groupes au sein du séminaire. Mais nous nous situons dans une logique de coopération d’individualités, pour laquelle la logique de cumul coopératif est importante, mais aussi les dimensions individuelles de la réflexion. Les textes permettent de semer des traces pour le cumul du travail coopératif. Cependant c’est quelque chose qui privilégie l’écrit, dans une logique proche du travail universitaire, et il faudrait voir si on ne pourrait pas également recourir à d’autres traces, comme des enregistrements audio ou vidéo privilégiant la formulation orale des problèmes et des controverses.

Nous envisageons aussi la création de ce qu’on appelle une « édition » sur le site Mediapart, c’est-à-dire un blog coopératif, pour les textes les plus « grand public » ou plus en phase avec des questions en jeu de « l’actualité » du moment. Il ne s’agit donc pas de créer une nouvelle « avant-garde » secrète, mais de participer aussi à la constitution d’espaces publics de réflexion et de s’efforcer d’avoir des effets sur le monde. Bref, si le séminaire a un périmètre restreint, c’est pour des raisons de travail, mais surtout pas à cause de la culture de la figure de « l’élite critique intelligente déployant son intelligence à l’abri des masses aliénées ». Á l’inverse même, dans Grand Angle comme dans ETAPE, il y a une visée de rupture avec une triple logique élitiste, de l’entre-soi et trop exclusivement identitaire, fort présente dans les milieux anarchistes et plus largement dans les gauches radicales.

Voilà en gros les repères de notre démarche pour l’instant. Le principal se fera « dans le mouvement même » selon l’expression de Rosa Luxemburg, se définira et se redéfinira en marchant.