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5 février 2015

Gandhi : de l’antilibéralisme à l’anarchisme non-violent

 

Contribution 2 à la séance 10 du séminaire ETAPE

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Par Manuel Cervera-Marzal

 

Auteur notamment de : Désobéir en démocratie. La pensée désobéissante de Thoreau à Martin Luther King (éditions Aux forces de Vulcain, 2013) et de Gandhi. Politique de la non-violence (Michalon Éditeur, collection « Le bien commun », 2015)

 

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Gandhi politique de la non violence - Manuel CerveraL’action directe non-violente prouve que l’on peut agir sans violence, mais peut-on gouverner sans violence ? Car Christian Mellon et Jacques Sémelin remarquent à juste titre que l’existence d’une non-violence politique ne signifie pas qu’il y ait une politique non-violente [1] : « nécessaire et possible dans l’action, la non-violence l’est-elle encore dans la gestion d’une société au quotidien ? » Cette question se cristallise autour de la notion d’Etat, que Gandhi définit comme la violence sous sa forme organisée et intensifiée. Une gestion non-violente du social implique donc la suppression de l’institution étatique : mon idéal, affirme Gandhi, serait « un état d’anarchie éclairée » où « chacun serait son propre maître »[2]. Si les libéraux partagent avec le Mahatma une méfiance permanente envers l’Etat, ils considèrent néanmoins ce dernier comme nécessaire à la garantie des libertés individuelles. Il est pour eux un moindre mal.

 

L’idée de cet article est donc de confronter la pensée politique de Gandhi au libéralisme, paradigme dominant de la modernité politique. Au terme de cette comparaison, nous serons en mesure de répondre à la question du rapport de Gandhi au pouvoir politique. Son modèle de société et sa conception du pouvoir font du Mahatma l’un des précurseurs de ce que nous appellerons l’anarchisme non-violent.

 

A/ De l’antilibéralisme…

 

S’il est légitime de comparer gandhisme et libéralisme, c’est qu’ils partagent, à première vue, des similitudes. Outre leur insistance commune sur le respect des libertés individuelles et sur le primat des droits de l’homme, on retrouve dans ces deux pensées une méfiance instinctive envers le pouvoir de l’Etat. Politiquement, Gandhi et les libéraux vouent aux gémonies le marxisme autoritaire et sa version stalinienne.

 

Mais leur plus proche convergence vient de ce que nous pourrions appeler le libéralisme culturel de Gandhi. Malgré quelques affirmations parfois conservatrices sur la fonction procréatrice de la sexualité, Gandhi considère, au fond, que les individus sont libres d’organiser eux-mêmes leur propre vie. Il milite pour l’égalité des sexes, pour l’abolition de l’intouchabilité, du système des castes et du mariage des enfants. Il défend ardemment le pluralisme religieux et, preuve suprême de son progressisme, il n’a manqué aucune occasion de défendre le droit d’euthanasie.

 

Remarquons en outre qu’à une époque où la désobéissance civile était loin d’être majoritairement admise, ce sont les penseurs libéraux qui ont le plus défendu Gandhi dans sa pratique de ce nouveau mode de protestation. Pourtant, c’est aussi à partir de la question de la désobéissance civile que Gandhi se sépare de penseurs comme Rawls, Dworkin et Habermas. En effet, le Mahatma donne son accord total à la désobéissance civile, puisque, dit-il, elle est « le droit imprescriptible de tout citoyen » et « il ne saurait y renoncer sans cesser d’être un homme »[3]. Au contraire, les libéraux, en même temps qu’ils l’admettent en théorie, se révèlent très critiques concernant sa pratique. Comme le fait remarquer Pierre-Arnaud Perrouty, professeur de droit à l’Université Libre de Bruxelles, « Rawls se montre très prudent sur la question de la désobéissance civile. S’il semble en approuver le principe, […] il l’assortit d’une telle série de conditions et de limites qu’il en arrive presque à la vider de toute portée pratique »[4]. L’auteur de la Théorie de la Justice prend le contrepied de Gandhi et Thoreau – pour qui une loi injuste exige qu’on y désobéisse – lorsqu’il affirme, au contraire, que « l’injustice d’une loi n’est pas, en général, une raison suffisante pour ne pas y obéir »[5].

 

Le libéralisme est une doctrine politique issue de la philosophie des Lumières (Hume, Kant), de la théorie du contrat social (Locke) et de l’économie politique (Smith, Turgot, Ricardo). Nous déclinerons cette doctrine en trois axes, auxquels Gandhi s’oppose systématiquement :

  • le libéralisme économique : les vertus économiques du libre-échange sont considérables et l’Etat doit limiter son intervention sur les marchés autant que possible ;
  • le libéralisme politique : le rôle de l’Etat est de protéger les libertés individuelles, il doit donc se limiter aux fonctions régaliennes ;
  • l’épistémologie libérale : il n’existe pas de vérité définitive et la recherche de l’accord prévaut sur la recherche de la vérité.

 

  1. Contre le libéralisme économique

 

Les idées économiques de Gandhi ont le mérite d’être tranchées : « En faisant appel à la méthode non-violente, c’est le capitalisme […] que nous cherchons à détruire »[6]. Du système capitaliste il rejette tout : sa conception de l’homme, ses principes fondateurs et ses conséquences empiriques.

 

En premier lieu, Gandhi récuse l’abstraction révoltante de l’homo œconomicus. Pour lui, ce modèle théorique des économistes classiques est erroné car il postule que l’homme est motivé par l’appât du gain et par ses seuls intérêts individuels. Or, en réalité, c’est le souci de l’autre et de son bien-être qui caractérise la psychologie humaine. Gandhi rejette par ailleurs l’hypothèse de la main invisible. Selon Adam Smith, chaque individu, en n’agissant qu’en vue de son propre gain, est conduit, par une main invisible, à produire une fin qui n’entrait nullement dans ses intentions : le bien-être collectif. Dit autrement, « tout en ne cherchant que son intérêt personnel, [l’individu] travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler »[7]. Gandhi opère un renversement magistral de la main invisible, en affirmant que ce n’est pas la recherche de l’intérêt individuel qui conduit – sans le vouloir – à l’intérêt général, mais que c’est la poursuite désintéressée du bien collectif qui sert, in fine, notre intérêt particulier : « L’homme, […] en désirant le bien de tous, travaille en même temps pour lui-même ». Il ajoute, contre l’individualisme libéral, que « celui qui ne pense qu’à son intérêt ou à celui de son groupe fait preuve d’un égoïsme qui, à la longue, ne peut que le desservir »[8].

 

En deuxième lieu, Gandhi s’élève contre les principes fondateurs de l’économie de marché. S’inspirant des travaux de l’écossais John Ruskin, le Mahatma défend une économie fonctionnant à la « coopération » plutôt qu’à la « compétition ». Pour lui, affirme Ramin Jahanbegloo, « la compétition est créatrice de violence, de peur et de cupidité, alors que la coopération volontaire entre les citoyens produit la véritable liberté et un nouvel ordre économique égalitaire »[9]. La concurrence, loin de stimuler les individus et de les amener à fournir le meilleur d’eux-mêmes, est génératrice de tensions, de mensonges et de haines. Elle aboutit à l’exploitation des faibles par les forts, situation que Gandhi décrit comme l’antithèse de la démocratie. Il s’oppose aussi à la division du travail, qui cantonne certains individus dans les tâches humiliantes tandis que d’autres se consacrent exclusivement aux travaux gratifiants. En conséquence, Gandhi imposait aux membres de son ashram – ferme communautaire qu’il avait créé à Ahmedabad – de pratiquer quotidiennement la rotation des tâches. Il s’oppose, par ailleurs, au principe utilitariste de maximisation du bien-être pour le plus grand nombre : « En termes crus, écrit-il; cela revient à accepter de sacrifier les intérêts de 49% des gens à ce que l’on suppose être le bien des autres 51%. Cette doctrine impitoyable a fait grand tort à l’humanité. La seule doctrine qui soit vraiment digne et humaine est celle du plus grand bien de tous »[10]. Il reproche aussi aux utilitaristes de définir le bonheur comme signifiant uniquement « le bonheur physique et la prospérité économique »[11]. Précisons cependant – Gandhi ne le mentionne pas – que tous les utilitaristes n’adoptent pas cette définition matérialiste du bonheur [12], et que tous les libéraux ne sont pas utilitaristes [13]. Gandhi, enfin, adopte une attitude ambigüe vis-à-vis de la propriété privée. Il semble qu’il y soit globalement favorable, puisqu’il pense qu’elle est moins douloureuse que la propriété de l’Etat [14]. Mais s’il préfère l’économie de marché à la planification soviétique, il la condamne aussi et ne voit dans la propriété privée qu’un « moindre mal ». Gandhi s’affirme parfois même collectiviste, lorsqu’il explique que son idéal de société serait que « les moyens de production des biens indispensables à la vie restent sous le contrôle des masses »[15]. En ce qui le concerne, il refuse d’ailleurs fermement d’être propriétaire. La moindre possession lui est « encombrante et même insupportable », car le fait de posséder pendant que d’autres meurent de faim est assimilable à un « crime »[16]. Aussi, en vertu de l’amour, qui « ne peut jamais aller de pair avec la possession exclusive »[17], Gandhi exhorte les riches à abandonner volontairement leurs richesses. Il sait qu’un tel acte est extrêmement difficile et exige un grand courage : « Renoncer complètement à ses possessions est une chose dont bien peu sont capables »[18]. Gandhi s’oppose par ailleurs la lutte des classes. Selon lui, l’antagonisme qui oppose les capitalistes aux travailleurs n’a rien d’irréductible et n’est pas « sans espoir de réconciliation ». Il faut ainsi refuser toute expropriation forcée. Et le Mahatma autorise même les individus particulièrement intelligents à gagner plus, à condition qu’ils mettent leurs revenus au service de la communauté.

 

Enfin, Gandhi s’insurge contre les conséquences sociales des politiques économiques libérales. Au plan international, la concurrence entre les « Grandes Puissances » mine la solidarité entre les peuples et conduit à « l’exploitation [impérialiste] des nations sœurs les unes par les autres »[19]. Au plan national, Gandhi regrette de ne pas voir les richesses « s’accumuler au profit de tous et non de quelques-uns seulement »[20]. Une partie du peuple est ainsi plongée dans le chômage, une autre dans des salaires de misère, les deux souffrant de conditions de vie déplorables. A quoi s’ajoute « l’introduction [criminelle] de machines »[21], créatrice de chômage. Gandhi a maintenu cette critique sociale tout au long de sa vie. Il n’est donc pas étonnant de l’entendre proclamer les louanges du socialisme [22] : « Le socialisme, tel que je le conçois, a la pureté du cristal »; « le mot socialisme ne manque pas de beauté »; il faut « bouger aussi longtemps que tout le monde n’est pas converti au socialisme ».

 

  1. Contre le libéralisme politique ou la démocratie libérale

 

Gandhi s’oppose probablement davantage au libéralisme politique (conflit entre l’Etat libéral et l’individu) qu’au libéralisme économique (conflit de classes entre les capitalistes et les travailleurs). Il reproche avant tout aux démocraties libérales de n’avoir de démocratie que le nom. Se référant à l’Angleterre et aux Etats-Unis il s’écrie : « Les Etats qui se disent aujourd’hui démocratiques feraient mieux de se déclarer franchement totalitaires »[23]. Leur violence interne, sous forme de paupérisme, et externe, sous forme d’impérialisme, sont selon lui « une négation de la démocratie »[24].

 

Plus profondément encore, le Mahatma a très souvent reproché aux démocraties libérales d’être représentatives et non participatives, formelles et non réelles, procédurales et non substantielles. Nous savons, depuis Tocqueville, que libéralisme et démocratie s’accordent difficilement. Ils sont en effet soutenus par deux passions contradictoires : la liberté chez le premier, l’égalité chez la seconde. La modernité a tenté de les concilier à travers l’invention de la démocratie libérale – probablement la forme de démocratie la plus durable que l’histoire ait connu. Mais, elle n’en constitue pas moins une démocratie imparfaite. Et Gandhi fait partie de ceux qui ont décidé de mettre le projecteur sur la dimension imparfaite plutôt que sur la dimension démocratique, sur ses défauts plutôt que sur ses réussites. Il dénonce ainsi la représentation politique – mécanisme intrinsèquement libéral et antidémocratique – par laquelle le peuple est en fait privé de l’exercice du pouvoir politique au profit d’une minorité de politiciens professionnels. Gandhi reproche aussi au libéralisme de ne pas tirer toutes les conséquences de sa méfiance envers l’Etat. Les libéraux ont raison de voir en l’Etat un danger pour l’individu et une institution intrinsèquement violente. Mais ils ont tort de ne pas aller au bout de leur raisonnement et d’accepter un « Etat minimal » alors qu’ils devraient opter pour le rejet « absolu » de l’Etat.

 

Gandhi ne fait pas que s’opposer au libéralisme. Comme l’a montré Thomas Pantham, il tente de l’approfondir et d’en résoudre la contradiction centrale [25]. La démocratie libérale semble en effet se contredire entre d’un côté l’affirmation de la liberté de l’individu dans la soi-disante sphère privée de la morale et, de l’autre, la réduction de la liberté individuelle dans la sphère publique/politique prétendument amorale ou purement technique. Selon Gandhi, la méthode libérale de sécurisation de l’ordre social par l’Etat soi-disant amoral – à la manière du Léviathan de Hobbes – se fait au détriment de la dimension politique de la liberté de l’individu : les décisions de l’Etat sont dites moralement neutres, purement techniques et procédurales, donc les individus n’ont pas besoin d’y participer ; le peuple a pour seul fonction d’accepter ou de refuser les gouvernants qui lui sont proposés. Gandhi récuse cet Etat « représentatif-amoral » libéral et cherche à protéger la liberté de l’individu même dans la sphère politique. Car, explique-t-il, le libéralisme est en tort lorsqu’il opère un divorce positiviste entre la morale (qui résiderait dans la sphère privée) et la politique (qui résiderait dans la sphère publique). Il faut abandonner l’illusion que la démocratie ne serait qu’une méthode d’ajustement entre les intérêts supposés moralement neutres des individus. La démocratie est le lieu de rencontre entre des prétentions concurrentes au bien et à la vérité : le caractère moral de ces prétentions ne doit pas être nié, et leur affrontement doit être assumé, et résolu au moyen de la non-violence. La conception neutraliste de l’Etat, professée par les libéraux, masque la réalité des choses et empêche les individus d’exercer leur liberté dans la sphère publique.

 

  1. Contre l’épistémologie libérale

 

Gandhi s’oppose de deux manières à l’épistémologie libérale. Leur première différence réside dans leurs conceptions respectives du rôle de la vérité en politique : alors que pour Gandhi la vérité doit être l’objectif immédiat de l’action politique (sans quoi l’on sombre dans le mensonge et la violence), le libéralisme se fonde sur l’indétermination des fins et l’abandon de la référence explicite à la notion de vérité. Comme l’a montré Carl Schmitt, le libéralisme ne connaît pas de vérité définitive. La recherche de cette dernière est subordonnée à la recherche de l’accord entre les individus [26]. Dans un monde où l’histoire a montré que la défense de la vérité ouvrait grand la porte de la violence, les libéraux comme Richard Rorty ont demandé que l’on bannisse complètement les revendications de vérité en politique. Gandhi reste au contraire attaché à une conception substantielle de la vérité en politique.

 

Deuxièmement, si l’on définit avec Michael Walzer le libéralisme comme « l’art de la séparation », alors le gandhisme est à n’en pas douter « l’art de la conjonction ». Le Mahatma se positionne contre la séparation représentant/représenté, il défend l’identité de la religion et de la politique, la conjonction de la politique et de la morale, et il rejette la distinction entre sphère privée et sphère publique.

 

Où Gandhi se situe-t-il politiquement ? Son antilibéralisme ne s’intègre dans aucun courant politique classique – communisme, socialisme, social-démocratie, conservatisme, communautarisme, républicanisme ou même écologisme semblent tous inappropriés pour définir sa pensée. La solution nous est cependant suggérée par le fait que tous les chercheurs en science politique ayant travaillé sur ses idées se sont arrêtés sur la question d’un « Gandhi anarchiste ? » Leurs conclusions divergent. Nous soutiendrons pour notre part que la meilleure qualification de la politique du Mahatma est celle d’ « anarchisme non-violent ».

 

B/ … à l’anarchisme non-violent

Exhibant Blanqui ou Lénine, on a souvent soutenu que la violence serait inhérente à la révolution. Et, pointant les Réflexions sur la violence de George Sorel ou le Catéchisme du révolutionnaire de Serge Netchaïev, on a tout autant associé anarchisme et violence. Il est pourtant intéressant de noter que, de même qu’il y a des réformismes et des libéralismes, il y a des anarchismes et des théories révolutionnaires. En ce sens, Jean-Marie Muller a raison de rappeler que l’échec des révolutions communistes ne doit pas nous faire abandonner toute perspective révolutionnaire. Le massacre de millions d’âme doit évidemment nous conduire à un profond effort de réflexion. Mais, peut-être s’agit-il moins de bannir la révolution en soi que la révolution sous sa forme violente. Entre la défense du statu quo et la violence révolutionnaire s’ouvre alors une troisième voie : l’anarchisme non-violent et son projet révolutionnaire. Tentons maintenant de montrer en quoi Gandhi nous semble en être le précurseur.

 

Il serait aussi erroné de prétendre que la véritable non-violence est anarchiste que de soutenir que l’anarchisme doit être non-violent. Nous cherchons simplement ici à dissiper le préjugé selon lequel la violence serait l’apanage de l’anarchisme, et à dessiner les prémisses théoriques de l’anarchisme non-violent, auquel la littérature francophone n’a pour l’instant dédié que trois opuscules [27]. Notre méthode consiste à nous appuyer sur Gandhi pour cerner les convergences de l’anarchisme et de la non-violence (1.), puis pour en étudier les limites (2.).

 

  1. Non-violence et anarchisme : quelle synergie chez Gandhi ?

 

Nehru parlait de Gandhi comme d’un « rebelle-né dont la philosophie était plus ou moins celle d’un anarchiste »[28]. Il n’avait probablement pas tort, puisque Gandhi lui-même a plus d’une fois confessé que son amour de la non-violence était le corollaire de sa passion pour l’anarchisme. « Ce qui ressemble le plus à l’anarchie parfaite serait une démocratie fondée sur la non-violence »[29], confesse-t-il lors d’une interview. Cet aveu incite à recherche les proximités entre anarchisme et non-violence. Nous en avons identifié trois : l’horreur de l’Etat, la cohérence des moyens et des fins, et le projet d’une société libertaire.

 

  1. a) l’horreur de l’Etat

La non-violence de Gandhi, en le conduisant à un rejet absolu de l’Etat, nous autorise à émettre l’hypothèse de l’existence d’un anarchisme non-violent.

 

Premièrement, Gandhi et les anarchistes s’accordent à voir dans l’usage illégitime de la violence la caractéristique première de tout Etat. Gandhi définit en effet ce dernier comme « la violence sous une forme intensifiée et organisée »[30]. Cette violence a beau être institutionnelle, pour Gandhi, elle est tout aussi condamnable que les autres formes de violence. De même, les anarchistes soutiennent que tout Etat est fondé sur la force et que cette dernière est indue car elle sert les intérêts d’une minorité de bureaucrates et de capitalistes aux dépens du reste de la population. Pour Kropotkine, la police et l’armée servent non à défendre la nation contre les ennemis intérieurs et extérieurs mais à protéger les privilèges de la classe dominante contre les velléités révolutionnaires des classes exploitées.

 

Deuxièmement, Gandhi et les anarchistes voient dans l’Etat un outil d’oppression de la société d’une part, des individus d’autre part. Pour Bakounine, « l’Etat n’est point la société, il n’en est qu’une forme historique aussi brutale qu’abstraite »[31]. Gandhi maintient lui aussi en permanence la distinction entre l’Etat et la société [32], car il considère que l’Etat usurpe ce qui ne lui appartient pas mais qui est le propre de la société : le pouvoir. L’Etat et ses institutions (l’école, l’armée, les tribunaux, etc.) décident et agissent à la place des individus, les privant ainsi de leur autonomie : le pouvoir de l’Etat, écrit le Mahatma, « fait le plus grand mal à l’humanité en étouffant la part d’initiative individuelle qui est à l’origine de tout progrès »[33]. Dans la même veine, les anarchistes soutiennent que l’existence même de l’Etat détruit l’individualité. L’Etat, en tant qu’institution autoritaire fonctionnant de haut en bas, impose sa volonté à ses sujets.

 

Enfin, et en conséquence de ce qui vient d’être présenté, Gandhi partage le credo anarchiste du refus absolu de l’Etat. Selon le Mahatma, la société idéale est celle « où il n’y a aucun pouvoir politique en raison même de la disparition de l’Etat »[34]. La structure hiérarchique de l’institution étatique et le cortège de souffrances dont elle est responsable suffisent pour Gandhi à la disqualifier de manière définitive.

 

  1. b) la cohérence entre la fin et les moyens

 

Il est remarquable que l’anarchisme comme la non-violence, dans des cadres de pensée différents, maintiennent tous deux l’exigence éthico-politique de cohérence entre la fin et les moyens. Pour Gandhi, il est moralement bon et tactiquement judicieux d’utiliser des moyens politiques en accord avec la fin poursuivie. La philosophie non-violente développe l’idée, centrale, que « la fin et les moyens sont des termes convertibles »[35]. Elle rompt ainsi avec toute une tradition machiavélienne selon laquelle il faut savoir parfois entrer dans le mal. Gandhi s’oppose frontalement à l’idée que la « la fin justifie les moyens », et en dénonce le paradoxe. Certes, les moyens ne sont justes qu’à condition que la cause soit juste. Mais la justesse de la cause ne suffit pas à garantir celle des moyens. Le problème, avec ce dicton, est que par définition la cause juste c’est la nôtre, alors que la cause injuste est celle de notre adversaire. Il s’ensuit que si la fin justifie les moyens – y compris ceux de la violence – on verra se déchaîner partout la violence. Ainsi, explique Muller [36], il ne suffit pas que la fin soit juste pour que les moyens le soient également. Il faut par ailleurs que les moyens soient accordés à la fin, qu’ils soient en cohérence avec l’objectif poursuivi. Gandhi considère que « tout, en définitive, est dans les moyens. La fin vaut ce que valent les moyens. »[37] Les moyens sont comme la graine et la fin comme l’arbre. Le rapport est aussi inéluctable entre la fin et les moyens qu’entre la graine et la semence. On récolte exactement ce que l’on sème [38].

 

On retrouve dans les théories anarchistes cette consubstantialité de la fin et des moyens. Pour atteindre l’an-archie (la société sans Etat), elles rejettent l’idée léniniste d’une période transitoire durant laquelle un Etat prolétarien serait aux commandes de la société. Nous savons que Marx concevait la fin de l’histoire comme une société anarchiste et sans Etat quel qu’il soit. Mais, pour supprimer l’Etat bourgeois et atteindre cette société, Lénine avait théorisé l’instauration transitoire de la dictature du prolétariat et de l’Etat prolétarien. C’est donc principalement sur la question des moyens que les anarchistes se séparent des marxistes-léninistes [39]. Pour les premiers, nous ne saurions bâtir une société sans Etat par le moyen de l’Etat, fut-il sincèrement prolétarien, transitoire et temporaire.

 

Le point central est que, comme l’écrit Xavier Bekaert, « toute révolution n’est que le produit des moyens employés pour la faire aboutir. Les révolutions recourant à la violence engendreront donc toujours d’autres violences, de la même manière que l’usage de l’État autoritaire pour aboutir à la libération de l’homme n’a jamais abouti qu’à perpétuer sa domination »[40]. Cette structure argumentative, commune à l’anarchisme et à la non-violence, nous permet à nouveau d’envisager l’existence d’un anarchisme non-violent.

 

  1. c) le fédéralisme gandhien : la communauté de villages

 

L’idéal politique de Gandhi se rapproche du modèle fédéraliste et de la démocratie directe prônés par les anarchistes. Il s’incarne dans une société où le pouvoir serait décentralisé et fonctionnerait de bas en haut [41]. Gandhi appelle « swaraj » – « autonomie » en français – une telle société. Les décisions y sont prises au niveau des unités socio-économiques de base, les villages. Comme l’explique Parekh [42], dans cette communauté idéale, les individus devraient résoudre eux-mêmes leurs différends. L’ordre serait plus facile à maintenir grâce à un climat de coopération, de confiance mutuelle et de bonne volonté. Les villages locaux autogérés prendraient en main les fonctions jusqu’ici remplies par le gouvernement central, réduisant ainsi le rôle de la loi et de la coercition. La police serait remplacée par des travailleurs sociaux qui œuvreraient dans le respect et l’affection de leurs concitoyens. L’armée régulière serait remplacée par des citoyens entraînés aux méthodes non-violentes de défense nationale et prêts à donner leur vie plutôt que de vivre sous domination étrangère.

 

Pour atteindre cet objectif, la décentralisation du pouvoir est nécessaire, car le centralisme est incompatible avec une structure sociale non-violente : « La véritable démocratie, écrit Gandhi, ne doit pas fonctionner grâce vingt hommes assis au Centre. Elle doit fonctionner depuis le bas par le peuple de chaque village »[43]. Chaque village aura ainsi un pouvoir total, et le système de délégation et de représentation sera réduit à son strict minimum. Il importe par ailleurs de substituer la planification de l’économie à la concurrence pour mettre fin à la pauvreté. Car, explique Gandhi, la concurrence est génératrice d’inégalités, et un gouvernement non-violent est absolument impossible aussi longtemps que subsiste l’abîme qui sépare les riches des autres millions d’affamés.

 

De son vivant, Gandhi n’a jamais connu la réalisation de son projet de communauté de villages. Mais il correspond autant aux expériences anarchistes de grande échelle (la Commune de Paris de 1871, la révolution spartakiste de 1919 et la révolution espagnole de 1936) qu’aux utopies politiques élaborées par Proudhon, Bakounine et Kropotkine [44]. Cette proximité théorique et pratique nous autorise à parler d’un anarchisme non-violent.

 

  1. Non-violence et anarchisme : des réticences ?

 

L’idée d’une proximité entre l’anarchisme et la non-violence ne va pourtant pas sans poser quelques difficultés. Les deux premières concernent spécifiquement la personne de Gandhi, les trois suivantes sont d’ordre théorique. Présentons-les et mesurons leur portée.

 

  1. a) anarchie et anarchisme

 

Le terme d’ « anarchie » est équivoque, puisqu’il désigne d’une part le désordre et le chaos, d’autre part une société sans pouvoir où régnerait l’ordre parfait (i.e. la société anarchiste). Proudhon, on s’en rappelle, prenait un malin plaisir à perdre son lecteur en jouant avec ces deux sens du mot. Dans un paragraphe il faisait l’apologie de l’anarchie (au sens de la société anarchiste), et dans le suivant il en faisait le procès (au sens de désordre). Le même problème se pose avec Gandhi. A de nombreuses reprises, surtout dans ses discours publics, il assimile l’anarchie à la violence et au désordre. De même, il parle indistinctement des « terroristes » et des « anarchistes ». Mais, d’autres fois, nous l’avons vu, il proclame que son idéal de société correspond à un « état d’anarchie éclairée ». Gandhi était conscient des deux significations du terme « anarchie », et sa condamnation de l’anarchie-désordre n’est donc pas contradictoire avec ses louanges de l’anarchie au sens d’une société anarchiste.*

 

  1. b) Gandhi autoritaire

 

Une deuxième difficulté tient à l’autoritarisme de Gandhi et à sa conception du rôle du chef. Dans la résistance civile de masse, pense-t-il, les chefs sont indispensables au succès du mouvement et lorsque la situation l’exige ils ne doivent pas hésiter à prendre des décisions contraires à la volonté de leurs troupes. L’insistance de Gandhi sur la stricte obéissance des résistants non-violents à leurs chefs tranche parfois avec l’idéal anarchiste d’une armée autogérée et sans différence de grades. Par ailleurs, les exemples de l’autoritarisme de Gandhi ne manquent pas. Sa femme fut la première à en pâtir, à qui il imposait des choix de vie particulièrement éprouvants, sans jamais la consulter, et souvent à l’encontre de l’avis qu’elle avait malgré tout exprimé. Sa gestion des organes de presse du mouvement d’indépendance témoigne de la même aspiration à dominer : « il n’y a, pour ainsi dire, pas eu un numéro d’Indian Opinion qui ne contînt un article de moi. Je ne me souviens pas d’un mot, dans tout ces articles, qui n’ait été avancé sans que je l’eusse pensé et débattu ». Dans l’action politique, Gandhi a toujours refusé de s’intégrer aux organes déjà existants. Il a systématiquement créé de nouveaux journaux, associations et commissions, dont il prenait la direction avant de – débordé par la charge de travail due aux nouveaux organes qu’il créait encore – la confier à un de ses proches. Mais si ce côté autoritaire du Mahatma est indéniable, il n’en résulte pas pour autant que Gandhi souhaite voir ériger ce pan de sa personnalité en modèle à imiter.

 

  1. c) la question de l’organisation

 

Une troisième difficulté porte sur la question de l’organisation. Elle joue pour Gandhi un rôle technique essentiel dans le succès de la non-violence. Il accordait en effet une attention maximale à la préparation des désobéissants à travers les ateliers de formation, à la planification de l’action et à l’aspect logistique. Les anarchistes, dit-on, seraient au contraire célèbres pour leur refus de toute organisation. Cela procède d’une courte vue. L’anarchisme ne se veut pas synonyme de désorganisation et de nihilisme. Et à ses compagnons qui penseraient ainsi, l’anarchiste italien Errico Malatesta adresse cette diatribe : « Croyant, sous l’influence de l’éducation autoritaire reçue, que l’autorité est l’âme de l’organisation sociale, pour combattre celle-là ils ont combattu celle-ci. […] L’erreur fondamentale des anarchistes adversaires de l’organisation est de croire qu’une organisation n’est pas possible sans autorité. […] Si nous croyions qu’il ne pourrait pas y avoir d’organisation sans autorité, nous serions des autoritaires, parce que nous préférerions encore l’autorité qui entrave et rend triste la vie à la désorganisation qui la rend impossible »[45]. Au final, l’anarchisme comme la non-violence reconnaissent donc la nécessité pratique de l’organisation.

 

  1. d) la question de Dieu et de la religion

 

Gandhi fait de la recherche de Dieu le fondement de l’action politique [46]. Face à lui, l’anarchiste s’écrie : « Ni Dieu, ni maître », à quoi Bakounine renchérit par son fameux syllogisme : « Si Dieu est, l’homme est esclave ; or, l’homme peut et doit être libre ; donc Dieu n’existe pas ». L’anti-théisme [47] semble alors être le credo de l’anarchisme. En conséquence, non-violence et anarchisme seraient inconciliables.

 

Mais il s’agit à nouveau d’une courte vue. Il y a confusion entre l’hostilité à la religion [48] et l’hostilité à Dieu. Bakounine et le slogan « Ni Dieu, ni maître » se méprennent sur la cible. Ce que l’anarchisme récuse, c’est moins l’affirmation métaphysique de l’existence de Dieu que les conséquences socio-historiques de la religion (guerres, système de caste, opium du peuple). Il s’offusque plus contre les Eglises instituées, alliées des Etats et des horreurs qu’ils commettent, que contre un Dieu dont, à vrai dire, il se soucie bien peu. En réalité, l’anarchiste pense, comme Sartre, que « même si Dieu existait, cela ne changerait rien ». Et si Bakounine, au lieu d’attaquer la religion, s’attaque à Dieu, il ne peut y avoir à cela qu’une raison. Donnons-là pour lui : en provoquant la « mort de Dieu », on provoque nécessairement la suppression de la religion. C’est le présupposé implicite de la démarche de Bakounine. Nous ne le discuterons pas. Quoiqu’il en soit, nous pensons avoir montré ici en quoi l’anarchisme s’oppose en réalité à la religion plutôt qu’à Dieu.

 

Or Gandhi professe lui aussi ses sarcasmes contre la religion. Il le fait même au nom de Dieu. Le Mahatma voit dans l’Eglise chrétienne la subversion du message originel du Christ puisque, dit-il, « le christianisme dogmatique […] a déformé le message de Jésus »[49]. En cautionnant les guerres soi-disant « justes », en menant ses croisades et en légitimant les pires oppressions, l’Eglise romaine a subverti la Bonne nouvelle. Ainsi, les griefs de l’anarchisme contre la religion ne sont pas inconciliables avec la non-violence prônée par Gandhi.

 

  1. e) l’accomplissement du projet anarchiste

 

Une dernière difficulté semble opposer Gandhi aux anarchistes. Elle concerne la croyance en la possibilité effective de réaliser la société anarchiste-non-violente idéale. Écoutons ici Jacques Ellul, dont les mots pourraient parfaitement être ceux de Gandhi : « Sur quel point me séparerai-je alors d’un véritable anarchisme ? En dehors du problème religieux [que nous venons de mentionner], je crois que le point de rupture est le suivant : un véritable anarchiste pense qu’une société anarchiste, sans Etat, est possible, vivable, réalisable, alors que moi, je ne le pense pas. Autrement dit, j’estime que le combat anarchiste, la lutte en direction d’une société anarchiste sont essentiels, mais la réalisation de cette société est impossible »[50]. Gandhi, en effet, juste après avoir professé son idéal d’anarchie éclairée, ajoute : « Mais dans la vie, on ne réalise jamais complètement l’idéal »[51]. Gandhi concevrait donc l’utopie différemment des anarchistes puisque, pour lui l’utopie n’a pas vocation à être entièrement réalisée mais plutôt à éveiller nos consciences endormies, à les mener vers une critique de ce qui est au nom de ce qui pourrait être, mais qui ne sera pas forcément.

 

Paru dans la revue Réfractions, n°28, mai 2012, pp.125-141

[http://refractions.plusloin.org/spip.php?article765]

 

[1] MELLON, Christian, SEMELIN, Jacques, La non-violence, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1994, p. 44.

[2] GANDHI, Tous les hommes sont frères, Paris, Gallimard, 1990, p. 238.

[3] Ibid. p. 235.

[4] PERROUTY, Pierre-Arnaud, « Légitimité du droit et désobéissance », in Obéir et désobéir, Le citoyen face à la loi, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2000, pp. 71-72.

[5] RAWLS, John, Théorie de la Justice, Paris, Seuil, 1987, p. 251.

[6] GANDHI, op. cit., p. 232.

[7] SMITH, Adam, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), Livre IV, ch. 2, Paris, Flammarion, 1991.

[8] GANDHI, op. cit. p. 144.

[9] JAHANBEGLOO, Ramin, Gandhi, aux sources de la non-violence, Paris, Editions du Félin, 1998, p. 110.

[10] GANDHI, op. cit. p. 244.

[11] GANDHI, cité in PANTHAM, Thomas, « Thinking with Mahatma Gandhi: Beyond liberal democracy », Political Theory, Vol. 11; No. 2, mai 1983, p. 169.

[12] Si Bentham est effectivement matérialiste, Mill représente au contraire le courant spiritualiste de l’utilitarisme.

[13] Pensons à la critique libérale que John Rawls adresse à l’utilitarisme.

[14] IYER, Raghavan,, The moral and political thought of Mahatma Gandhi, New Delhi, Oxford University Press, 2000, p. 254.

[15] GANDHI, Tous les hommes sont frères, op. cit., p. 221.

[16] Ibid., p. 88.

[17] Ibid., p. 222.

[18] GANDHI, ibid., p. 234.

[19] Ibid. p. 215.

[20] Ibid. p. 216.

[21] Loc. cit.

[22] Ibid., p. 149.

[23] Ibid., p. 248.

[24] GANDHI, cité in NOSE, Nirmal Kumar, « An interview with Mahatma Gandhi », Studies in Gandhism, Ahmadabad, Navajivan Publishing House, 1972, p. 42.

[25] Ce paragraphe s’inspire de l’article de PANTHAM, Thomas, « Thinking with Mahatma Gandhi: Beyond liberal democracy », Political Theory, Vol. 11; No. 2, mai 1983, pp. 165-188.

[26] MOUFFE, Chantal, « Penser la démocratie moderne avec, et contre, Carl Schmitt », Revue française de science politique, Année 1992, Volume 42, Numéro 1, pp. 83-96.

[27] Alternatives non-violentes, Hiver 2000-2001, N°117, « Anarchisme, non-violence, quelle synergie ». BEKAERT, Xavier, Anarchisme, violence, non-violence, Paris, Editions du Monde Libertaire, 2000. Et Violence, contre-violence, non-violence anarchistes, revue Réfractions, n°5, Printemps 2000.

[28] NERHU, cité in LASSIER, Suzanne, Gandhi et la non-violence, Paris, Seuil, 2000, p. 132.

[29] Gandhi, cité in NOSE, Nirmal Kumar, « An interview with Mahatma Gandhi », Studies in Gandhism, Ahmadabad, Navajivan Publishing House, 1972, p. 42.

[30] GANDHI, Tous les hommes sont frères, op. cit., p. 246.

[31] BAKOUNINE, cité in GUERIN, Daniel, Ni Dieu ni Maître, Anthologie de l’anarchisme, tome I, Paris, La Découverte, 1999, p. 171.

[32] C’est d’ailleurs la seule distinction libérale que Gandhi accepte.

[33] GANDHI, Tous les hommes sont frères, op. cit. p. 246.

[34] Ibid., p. 238.

[35] Ibid., p. 147.

[36] MULLER, Jean-Marie, Gandhi, la sagesse de la non-violence, Paris, Desclée de Brouwer, 1994, p. 86.

[37] GANDHI, Tous les hommes sont frères, op. cit. p. 147.

[38]Ibid. p. 148.

[39] Nous pouvons ici rappeler les mots de l’anarchiste russe Alexander Berkman qui, après avoir reproché à Lénine d’être attaché au principe selon lequel la fin justifie les moyens, écrit : « Tes finalités doivent déterminer les moyens que tu emploieras. Les moyens et les objectifs sont en réalité une seule et même chose, tu ne peux pas les séparer. Ce sont les moyens qui façonnent les fins. Les moyens sont les graines qui se transformeront en fleurs et porteront leurs fruits. Ces fruits seront toujours de la même nature que la graine que tu as plantée. Tu ne peux pas cultiver des roses en semant des graines de cactus. Pas plus que tu ne peux récolter la liberté de la contrainte ou la justice et la virilité de la dictature ». Ce passage, qu’on pourrait parfaitement attribuer à Gandhi, est rédigé en 1929 par BERKMAN, Alexander, Qu’est-ce que l’anarchisme ?, Montreuil, L’Echappée, 2010.

[40] BEKAERT, Xavier, Anarchisme, violence, non-violence, op. cit., pp. 59-60.

[41] Ce modèle de société est fondamentalement non-hiérarchique et anti-autoritaire : « Dans cette structure composée d’innombrables villages, écrit Gandhi, il y aura des cercles de plus en plus larges qui ne s’élèveront jamais. La vie ne sera pas une pyramide avec un sommet soutenu par la base. Mais il y aura un cercle « océanique » qui aura pour centre l’individu, toujours prêt à se sacrifier pour le village, qui, de son côté, est prêt à se sacrifier pour le cercle des villages, jusqu’à ce que le tout devienne une seule vie composée d’individus, qui ne seront pas isolés dans leur arrogance, mais qui seront des êtres humbles, partageant la majesté du cercle « océanique » comme ses unités intégrales. Par conséquent, la circonférence extérieure n’aura pas le pouvoir d’écraser le cercle inférieur, mais au contraire donnera de la force à tous ceux qui sont à l’intérieur de ce cercle et prendra sa propre force d’eux ». GANDHI, cité in JAHANBEGLOO, Ramin, Gandhi, aux sources de la non-violence, Paris, Editions du Félin, 1998, pp. 105-106

[42] Ce passage s’inspire de la présentation qu’en fait PAREKH, op. cit.

[43] GANDHI, cité in PANTHAM, op. cit. p. 173.

[44] Dont nous pouvons trouver une présentation synthétique mais pertinente dans BAILLARGEON, Normand, L’ordre moins le pouvoir, Marseille, Agone, 2001.

[45] MALATESTA, Errico, cité in GUERIN, Daniel, L’anarchisme, Paris, Gallimard, 1981, p. 61.

[46] Il s’agit en fait de la recherche de la vérité. Mais Gandhi précise que « la vérité est Dieu », donc il s’agit de la recherche de Dieu.

[47] L’anti-théisme n’est pas l’athéisme. L’athée dit que Dieu n’existe pas. L’anti-théiste dit qu’il ne sait pas si Dieu existe, mais que même s’il existait, il faudrait s’en débarrasser. Cette dernière position est bien plus conforme à la pensée anarchiste que ne l’est athéisme.

[48] Nous définissons la religion comme un fait sociologique et historique, une institution humaine fondée sur la croyance en Dieu. Et nous définissons Dieu comme un être personnel et transcendant.

[49] GANDHI, Tous les hommes sont frères, op. cit., p. 92

[50] ELLUL, Jacques, Anarchisme et christianisme, Paris, La table ronde, 1998, p. 32.

[51] GANDHI, op. cit. p. 238.

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