.retrait { margin-left:50px; } .retrait { margin-left:50px; }
Subscribe By RSS or Email

11 mai 2018

Fantasme du nouveau « sujet révolutionnaire » dans les gauches radicales et libertaires : « les Musulmans » ?

Par Guillaume de Gracia

Cent ans après la Révolution russe, l’un des impensés de cet événement exceptionnel, est sans doute l’apparition concrète du sujet moteur du changement social – du moins, l’illusion de cette apparition : l’ouvrier comme « sujet révolutionnaire ». Ainsi, les marxistes et sociaux-démocrates – bientôt léninistes – russes du début du XXe siècle ont eu une extraordinaire intuition quant à la catégorie sociale qui devait concrètement faire la révolution. Là où la population russe était à plus de 80% rurale – donc, peu ou prou paysanne ou artisane –, ce serait évidemment aux ouvriers – qui, eux, ne représentaient qu’un peu plus de 2% de la population – à mener le grand changement social, partout1.

De la mythologie léniniste du « sujet révolutionnaire »

Malgré cette cécité patente et alors même que l’on sait comment va évoluer cette lubie socialiste, force est de constater que les léninistes ont réussi, à travers l’histoire du XXe siècle et leurs formidables organes de propagande internationale (Profintern2 et Komintern3), à placer cette recherche et cette valorisation4 du « sujet » au cœur des préoccupations des mouvements révolutionnaires et des individus s’en revendiquant partout dans le monde et ce, durablement. Entre autres exemples, citons :

  • les guevaros-trostkistes argentins de l’Ejercito Révolucionario del Pueblo (ERP) qui s’installeront dans les années 1960 dans la région de Tucuman afin de s’implanter dans le prolétariat rural des coupeurs de canne à sucre5 ;

  • l’ensemble des « établis » français qui s’attacheront au prolétariat urbain (plombiers, métallurgistes, postiers…)6.

Une forme de pensée magique plaçant – malgré les observations contraires – tous les espoirs révolutionnaires dans la catégorie du prolétariat supposée la plus prompte à comprendre l’opposition entre capital et travail.

Mais sans doute faut-il surtout comprendre là l’aspiration d’une minorité, bolchevique, se sentant symboliquement (et psychologiquement) des accointances avec une autre minorité, ouvrière celle-ci.

A l’inverse (et sans rentrer dans un conflit onomastique sans intérêt), force est de constater la pertinence d’Irène Pereira lorsque dans son livre Anarchistes7, elle définit les anarcho-communistes comme cette tendance du mouvement anarchiste considérant que la « révolution doit être le fait de l’ensemble de l’humanité et pas uniquement des exploités8 ». Certes, malgré tous les efforts pour élargir le spectre des populations que la révolution libertaire doit embrasser, on peut tout de même légitimement douter de l’envie du fameux « 1% » dénoncé par les membres d’Occupy Wall Street de s’engager dans un processus révolutionnaire anarcho-communiste.

Cependant, on tient là un bout de la nécessaire prise en compte de la construction de la future société anarchiste. Elle ne pourra PAS, se constituer sur un système généralisé de répression, rééducation, élimination des ennemis politiques9 car elle serait dès lors condamnée à l’échec, comme l’ont été l’ensemble des révolutions « marxistes » du siècle passé10.

Ces dernières années justement, les artificielles différences entre anarchisme et marxisme/communisme ont fait à plusieurs reprises l’objet de tentatives de dépassement – dont le récent dossier d’Alternative Libertaire est un des tout derniers exemples11. En tant que telles, ces tentatives ne peuvent qu’être saluées par le milieu révolutionnaire anarchiste qui peut regarder comme un temps obscur celui où nos camarades lisaient Le Capital en l’arrachant page après page. Ce rapprochement est éminemment positif car il a injecté une bonne dose d’esprit libertaire12 dans de nombreux secteurs anciennement dominé par la doxa léniniste (à commencer par le NPA). Il n’en demeure pas moins vrai que le léninisme a également réussi à s’immiscer dans certains secteurs libertaires/anarchistes avec cette quête quasi-spirituelle du « sujet révolutionnaire » qui tantôt fait croire à certains secteurs (syndicaux ou autonomes) qu’ils l’on trouvé la perle rare en défendant les sans-papiers, les travailleuses et travailleurs du sexe ou encore, les musulmans.

Le présent texte s’intéresse donc au cas des musulmans car il me parait tout simplement le plus significatif mais – j’insiste –, j’ai pu observer des processus identiques avec d’autres « minorités sociales ».

Jawad Bendaoud et Mennel Ibtissem : sur la piste du nouveau « sujet révolutionnaire » ?

Deux épisodes récents de l’actualité médiatique ont participé à relancer le fantasme du « sujet révolutionnaire » à travers la supposée catégorie homogène et rédemptrice de « Musulmans », ou du moins les réactions dans des milieux des gauches radicales et libertaires à ces deux épisodes.

  • Jawad Bendaoud, le « logeur de Daech », alors qu’il est régulièrement présenté comme un dealer de coke, proxénète, marchand de sommeil, portant une veste « Schott éditions années 70, collector, à 4000 boules »13 (huit mois de RSA) a récemment été « soutenu » par le collectif éditorial Lundi matin14 – pourtant souvent irréprochable dans son approche des sujets traités. On peut ainsi s’étonner qu’un média sincèrement révolutionnaire s’intéresse aux déboires judiciaires d’un individu peu fréquentable : il est loin le temps où les anarchistes traquaient voire tabassaient les proxénètes et tous ceux vivant de et sur la misère du peuple… Mais, ce reportage est autre chose que la marque d’un simple misérabilisme social : il est aussi l’indice d’une certaine cécité face aux priorités des luttes à mener aujourd’hui chez les libertaires.

  • Mennel Ibtissem, chanteuse franco-syrienne avortée de The Voice a affolé le PAF et les réseaux sociaux entre les « pour » et les « contre » sa personne, car elle s’est répandue il y a un an en propos complotistes et en soutien à Tariq Ramadan et à l’ex-humoriste Dieudonné15. Evidemment, pour la fachosphère tendance islamophobe, cette histoire est un véritable pain-bénit, mais le clivage s’étend au-delà. Ainsi, certains et certaines militant-e-s révolutionnaires se sont (encore) écharpés sur la question de la pertinence de la défense ou du total manque d’intérêt qu’il y a à s’intéresser au cas Mennel16. Une fois de plus, les uns défendent un personnage sur lequel on pourrait tout simplement s’abstenir de dire quoi que ce soit pendant que les autres considèrent que quand bien même il s’agit d’une jeune femme, musulmane et candidate à un jeu à la con, il se pourrait bien qu’elle puisse être une bonne facho des familles et auquel cas, pourquoi particulièrement la défendre – en dehors d’un syndrome para-« dreyfusard » peut-être particulièrement développé en ce moment ?

Mennel et Jawad sont donc parties prenantes d’une polémique désormais permanente autour de la question du rapport entre révolution/islam/quartiers.

Le Socialist Worker Party britannique : pionnier dans le confusionnisme actuel

Le Socialist Worker Party (SWP), organisation trotskyste britannique, a été un des premiers à lorgner sur « les musulmans » en général, tout en ayant des complaisances à l’égard des islamistes, pour pallier les difficultés du « sujet révolutionnaire » prolétarien. On se souviendra qu’il y a plus de 20 ans, ses militants diffusaient des tracts aux sorties des mosquées, car là devait nécessairement s’y trouver une composante importante des working class heroes d’aujourd’hui. Au même moment, leur relais français, Socialisme par en bas (SPEB, entré en 2002 dans la LCR), « draguait » aussi littéralement les musulmans jusqu’à faire monstration de leur soutien aux femmes voilées, en portant (pour certaines spébistes) des foulards17.

Chris Harman (1942-2009), un des dirigeants du SWP, a été un des premiers à théoriser les attirances et les ambiguïtés de ce groupe trotskyste vis-à-vis des « musulmans » en général, à un moment de poussée de l’islamisme, dans un très long article paru en anglais en 1994 dans la revue International Socialism Journal : « The prophet and the proletariat » (« Le prophète et le prolétariat18 »).

Harman y développe une dialectique trotskyste relativement classique qui voit dans des secteurs sociaux et ou politiques « réactionnaires », de possibles alliés. Alliés parce que certains de ces secteurs ont pu, à des moments de l’histoire, avancer des propositions sociales et/ou économiques parfois fortement contraires à l’ultra-libéralisme – mais jamais au capitalisme. En son temps déjà, le leader trotskyste belge Ernest Mendel précisait à propos du péronisme argentin : « […] les mouvements nationaux de la bourgeoisie nationale dans les pays semi-coloniaux, souvent faussement et abusivement appelés « fascistes », administrent généralement des coups sérieux et durables au grand capital étranger, tout en créant de nouvelles possibilités organisationnelles pour les travailleurs. Le meilleur exemple est le mouvement péroniste en Argentine qui, loin d’atomiser la classe ouvrière, a permis pour la première fois, l’organisation profonde des travailleurs dans les syndicats qui, jusqu’à ce jour, exercent une influence importante dans le pays19 ».

Harman, à propos de l’islamisme, mentionne qu’« il a su obtenir l’allégeance de la masse des gens en véhiculant un message propre à apporter une consolation aux pauvres et aux opprimés20 ». Pourtant, « [à] chaque étape de son évolution, le discours de l’islam a toujours oscillé entre la promesse d’une certaine protection pour les opprimés et la garantie d’une protection contre tout renversement révolutionnaire pour les classes exploitantes21 ». La dimension interclassiste des mouvances politiques se réclamant de l’islam est ainsi largement analysée dans le cadre de cet article dont il ressort très nettement que Harman rejette tout autant les qualificatifs de fascisme et d’anti-impérialisme ou de progressisme pour définir l’islamisme.

L’objectif du présent texte n’est pas de critiquer cet article, cependant, il faut noter deux points mettant à mal l’analyse qui y est développée :

  • D’abord, la mise en parallèle de l’islamisme et du péronisme. Un parallélisme qui ne résiste pas à l’analyse pour la simple et bonne raison que l’Argentine – je l’ai démontré ailleurs22 – est profondément influencée, au moment où le péronisme arrive au pouvoir par une subculture libertaire vieille de plusieurs décennies qui amène le peuple Argentin à soutenir, voire à prendre des initiatives autrement plus progressistes que les peuples soumis à l’autoritarisme cumulé d’usages conservateurs de la référence musulmane et des administrations coloniales. Pour le dire plus simplement : il n’y a pas eu de mouvement anarchiste aussi puissant que le mouvement argentin dans aucun pays de culture et de tradition arabo-musulmane. Toute comparaison est donc nulle et non avenue.

  • Le deuxième point est que les exemples des courants islamistes opposés aux pouvoirs en place et sur lesquels se base Harman en 1994 pour développer son argumentation ont tous exercé le pouvoir (plus ou moins brièvement) depuis. C’est le cas des Frères Musulmans en Egypte avec Mohamed Morsi ; c’est le cas de l’AKP en Turquie avec le funeste Recep Tayyip Erdoğan. Par ailleurs, la guerre civile que pressent Harman en Algérie a bien eu lieu avec les conséquences que l’on sait ; l’Afghanistan a versé dans une furie réactionnaire et sanguinaire terrible ; l’Iran s’est enfoncé toujours un peu plus (jusqu’à récemment du moins) dans un délire nationaliste dont l’acmé fut sans doute la présidence de Mahmoud Ahmadinejad… A cela, on pourrait rajouter le pouvoir d’Ennahdha en Tunisie, le désastre Libyen, la guerre intra-musulmane entre le Yémen et l’Arabie Saoudite, etc. Ces expériences ont certes des différences, mais l’empreinte conservatrice et autoritaire apparaît forte, avec des proportions variables.

Autrement dit, le seul réel espoir au Moyen-Orient aujourd’hui est l’action d’un parti marxiste-léniniste ayant évolué vers une forme plus libertaire et quasi anti-étatique, à savoir le PKK turc et son parti frère syrien, le PYD. Pas des partis vraiment portés sur l’islam, même s’ils sont vraisemblablement œcuméniques et tolérants vis-à-vis des différentes minorités religieuses présentes localement.

Enfin, on a tout simplement du mal à comprendre, au-delà des constatations précédentes, pourquoi il faudrait considérer (par exemple) le Hezbollah libanais comme plus fréquentable que le néofasciste CasaPound italien alors que les deux ont une intervention sociale concrète dans leurs périmètres d’action respectifs23?

« Les Musulmans » ou à la recherche du nouveau « sujet révolutionnaire » perdu

Le fait est que, depuis longtemps maintenant, les organisations révolutionnaires n’ont guère « de prise », ni dans les quartiers populaires ni sur les populations vivant dans ces quartiers, qui pourtant, de par leur capacité d’organisation, d’explosion légitime24, leur statut d’opprimées et de reléguées sociales font fonctionner à plein régime la machine à fantasmes de certains camarades.

Or, l’absence de révolutionnaires dans ces « quartiers » laisse la place aux pires expressions politiques (dont le salafisme) mais aussi, dans l’esprit des militantes et militants, à l’essentialisation. Et notamment, à cette idée stupide que la totalité des habitants des quartiers populaires seraient nécessairement (car d’origine nord-africaine dans leur majorité…) « musulmans », parce que, hein madame Michu, un « arabe25 », c’est forcément « musulman ». Une essentialisation qui contamine certains milieux gauchistes et anarchistes qui :

  1. n’habitent souvent qu’à la marge, dans les quartiers populaires26;

  2. sont essentiellement constitués de « blancs et de blanches » (c’est empirique, mais j’ai vingt ans d’expériences dans plusieurs organisations entre Paris et Toulouse, et je doute fort qu’ailleurs cela soit très différent) et donc ;

  3. peuvent aussi céder à l’image d’Epinal du « musulman opprimé forcément révolutionnaire ».

Pourtant, les implacables chiffres témoignent encore du fait que la population active française est constituée de plus de 6 millions d’ouvriers27 alors que les musulmans ne représentent qu’un peu plus de 7% d’individus, soit moins de 5 millions…28 Pourquoi prioriser dès lors une catégorie in fine religieuse plutôt qu’une catégorie sociale et politique (surtout que dans la deuxième se retrouvent beaucoup de la première) ? Pourquoi, alors que le « monde du travail » souffre toujours autant : une série d’enquêtes sur l’explosion des arrêts maladies29, la très forte envie de changer de métier30 et l’hyper stress au travail nous l’ont récemment rappelé31… ? Pourquoi organiser et défendre des gens sur des bases religieuses plutôt que sur des bases de classe sociales ?

Les trotskystes du SWP et consorts – il faut le leur reconnaître – ont une vertu : celle d’avoir assumé l’idée que le prolétariat musulman devait avoir la part belle dans la nouvelle avant-garde. Mais, là où au sein de « la perfide Albion » certains sont clairs, une partie de nos camarades Français pêche par la plus crasseuse fausse pudeur qui soit. Car qui, à l’extrême gauche assume en France, le fait que les musulmans soient considérés comme une des parties du prolétariat les plus à la pointe du combat anticapitaliste ?

Est-ce que certains ne se cachent pas derrière le légitime et nécessaire combat antiraciste et anti-islamophobe pour rejoindre des positions proches du SWP ?

Pièges en eaux troubles

On peut comprendre qu’une forme de panique se soit emparée de certains de nos camarades du fait de la montée du néofascisme et que la recherche à toute berzingue d’un « nouveau sauveur/sujet » puisse les rassurer…

Pourtant, cet engouement est affligeant :

  • parce qu’il condamne tout-e ressortissant-e nord-africain-e ou subsaharien-ne (ou toute personne de ces « origines ») à une religion avec laquelle ils et elles ont des relations parfois compliquées et n’ont pas besoin d’avoir des pères-la-morale (qui plus est, « blancs » et « blanches ») venir leur dire ce qu’ils et elles devraient être32 ;

  • par le manque total de recul historique qui s’apparente là encore à une cécité volontaire. A titre d’exemple, les expériences iranienne de la fin des années 1970 ou celle de Solidarnosc en Pologne33 ont été marqué par l’alliance entre un mouvement révolutionnaire d’orientation marxiste et/ou à tendance autogestionnaire et des mouvements révolutionnaires d’orientation religieuses (musulmans et catholiques) qui ont rapidement tourné à l’avantage de ces derniers. Deux exemples majeurs dont on peut tirer une leçon relativement simple : l’alliance avec des secteurs religieux n’est possible qu’avec des secteurs préalablement radicalisés sur des bases religieuses mais aux discours nettement socialisants. Cela s’est vu en France (Jeunesse ouvrière chrétienne) ou dans divers pays d’Amérique Latine (Prêtres pour le tiers-monde en Argentine, Théologie de la libération de manière générale). En revanche, penser radicaliser des secteurs religieux depuis un discours et une dialectique athée/socialiste ou communiste, semble relativement improbable, notamment du fait de l’absence de maîtrise des discours théologiques par lesdits militants athées et révolutionnaire34. Rapide parenthèse d’ailleurs (là encore empirique) : les camarades les plus anticléricaux qui m’entourent sont en majorité des adultes ayant subi une éducation religieuse plus ou moins rigide dans leur enfance et connaissant les fondements de l’emprise intellectuelle, morale et affective du fait religieux. A l’inverse, les camarades les plus « tolérants » vis-à-vis de ces discours n’ont pas connu la moindre répression de ce point de vue ou ont baigné dans une ambiance culturelle religieuse sans l’avoir subie directement35;

  • par l’extrême tension, voire la violence, introduite dans les relations entre militantes et militants, à l’instar des exemples précités ou de l’attaque du lieu libertaire marseillais Mille Bâbords, en l’occurrence, par des défenseurs et défenseuses du concept controversé de racialisation36 ;

  • enfin, il n’y a bien sûr jamais eu de « sujet révolutionnaire » à proprement parler, nulle part, et personne ne l’a jamais trouvé.

Le projet émancipateur plutôt que « le sujet révolutionnaire »

Il est donc grand temps de laisser de côté des lubies « infantiles » et évoluer d’une pensée anarchiste devenue malheureusement politique depuis trop longtemps vers une pensée anarchiste si ce n’est antipolitique du moins fonctionnelle37. La vague anarchiste/libertaire que nous traversons en réalité, du fait de la multiplication des réseaux, de l’implication de multitudes de groupes dans des pratiques quotidiennes horizontales et démocratiques (de l’Amap aux Scops, en passant par des groupes culturels et, évidemment, les ZAD) est proprement hallucinante pour qui veut bien se donner la peine de le voir – sans pour autant s’en contenter.

Les anarchistes organisés hors organisations spécifiques ou identitaires n’ont ainsi sans doute jamais été si nombreux en France, mais de par cette quête spirituelle du « sujet », on s’empêche tout bonnement de le voir et donc, d’avancer sur un projet émancipateur à des années lumières de ce que représentent proxénètes, dealers, cul-bénits et profiteurs de tous poils.

Guillaume de Gracia est docteur en anthropologie et chercheur indépendant. Email : <gui.degracia@gmail.com>

1Voir, par exemple le récent hors-série de Courrier International, « Russie, les héritiers de la révolution », septembre-octobre-novembre 2017. Pour nuancer ces propos gentiment critiques, lire le très bon article d’Emmanuel Barot sur le rapport entre bolcheviques et paysannerie en 1917 : « La révolution de 1917 face à la « question paysanne » », site Révolution Permanente, 1er juin 2017, http://www.revolutionpermanente.fr/La-revolution-de-1917-face-a-la-question-paysanne consulté le 21 novembre 2017.

2Profintern ou Internationale syndicale rouge : organisation syndicale internationale proche de l’Internationale communiste, entre 1921 et 1937.

3Komintern ou Internationale communiste ou IIIe Internationale, entre 1919 et 1943.

4Qui suppose, à l’inverse, une dévalorisation de toute catégorie non-révolutionnaire.

5Voir, par exemple, Guillaume de Gracia, De sueur et de sang. Mouvements sociaux, résistances populaires et lutte armée dans l’Argentine de Perón (1943-1976), Paris, éditions Syllepse, 2016, la partie sur « L’option militaire », p. 189 et s.

6Entre autres, Robert Linhart, L’Etabli, Paris, Minuit, 1978.

7Irène Pereira, Anarchistes, Montreuil, la ville brûle, collection « engagé-e-s », 2009. Irène Pereira est membre du comité de rédaction de Grand-Angle, je précise, histoire qu’on ne m’accuse pas de « copinage caché ».

8Ibid, p. 12. C’est moi qui souligne.

9Sauf, sans aucun doute, contre les plus résolus à empêcher de manière violente un tel processus.

10Ce qui ne veut pas dire qu’au cours de ces « révolutions », de réels progrès n’aient pas été accomplis en faveur des populations les plus pauvres. Pensons, par exemple, à Cuba et aux vrais progrès effectués en termes d’alphabétisation, de santé, de lutte contre le racisme récemment reconsidérés par la revue l’Histoire (numéro 441 du mois de novembre 2017)… Mais sont-elles, finalement, si éloignées des avancées obtenues dans certains pays libéraux tels que la France quelques temps plus tôt ou sous l’Argentine péroniste dix ans auparavant ?

11Dossier « La dimension marxienne de l’anarchisme », Alternative libertaire, n° 277, janvier 2018, en consultation ici : http://alternativelibertaire.org/?Dossier-special-La-dimension-marxienne-de-l-anarchisme consulté le 10 mars 2018. On pourrait citer, par ailleurs et par exemple, le numéro 6 de février 2003 de la revue ContreTemps sur « Changer le monde sans prendre le pouvoir ? Nouveaux libertaires, nouveaux communistes », en consultation ici : http://www.contretemps.eu/wp-content/uploads/Contretemps%2006.pdf consulté le 10 mars 2018 ; ou le livre Affinités révolutionnaires. Nos étoiles rouges et noires d’Olivier Besancenot et Michael Löwy, Paris, Mille et une nuits/Fayard, 2014, sans compter les œuvres du sociologue John Holloway…

12Sans doute, moins d’esprit anarchiste.

13« Procès de « Jawad ». Malaise au tribunal » (reportage), site Lundi matin, 29 janvier 2018, https://lundi.am/Proces-de-Jawad-Reportage consulté le 29 janvier 2018.

14Article cité.

15Ce qui semble être parfaitement assumé par la mouvance en question : « Une candidate de The Voice attaquée pour avoir relayée Dieudonné et Ramadan », site Égalité & réconciliation, 6 février 2018, https://www.egaliteetreconciliation.fr/Une-candidate-de-The-Voice-attaquee-pour-avoir-relaye-Dieudonne-et-Ramadan-49659.html consulté le 13 février 2018.

16Voir par exemple les commentaires faisant suite au texte intitulé « L’affaire Mennel ou la défaite de la pensée » paru le 12 février 2018 sur le blog La plume d’un enfant du siècle : https://marwen-belkaid.com/2018/02/12/laffaire-mennel-ou-la-defaite-de-la-pensee/ consulté le 18 février 2018.

17Je l’ai personnellement vu faire à Paris 8 en 2004/2005, dans le cadre d’une lutte opposant une jeune femme voilée à l’administration du département d’Histoire de cette université…

18Chris Harman, « The prophet and the proletariat », International Socialism Journal, n° 64, autumn 1994, repris sur http://www.marxists.de/religion/harman/ consulté le 10 mars 2018 ; traduction française sous le titre « Le prophète et le prolétariat » sur http://revuesocialisme.pagesperso-orange.fr/prophete.html consulté le 10 mars 2018 ; voir la critique par Guillaume Davranche, « Extrême gauche : « unité d‘action » avec les islamistes ? », Alternative Libertaire, n° 129, mai 2004, en consultation sur : http://alternativelibertaire.org/?Extreme-gauche-Unite-d-action-avec consulté le 10 mars 2018.

19Dans Du fascisme, Paris, François Maspero, 1974, p. 61. Je développe ailleurs (G. de Gracia, 2016, op. cit.) le caractère infondé de cette affirmation.

20C. Harman, art. cit.

21Ibid.

22Voir G. de Gracia, L’Horizon argentin. Petite histoire des voies empruntées par le pouvoir populaire, 1860-2001, préface de Pierre-Philippe Rey, Paris, Editions CNT-Région Parisienne, 2009.

23Sur le Hezbollah et la banlieue sud de Beyrouth, lire par exemple, Myriam Catusse, Joseph Alagha. « Les services sociaux du Hezbollah. Effort de guerre, ethos religieux et ressources politiques », dans Sabrina Mervin (dir.), Le Hezbollah. Etat des lieux, Paris, Sindbad-Actes Sud-Institut français du Proche-Orient, 2008, pp. 123-146 ; en consultation sur : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00355098/document consulté le 23 avril 2018.

24 A l’instar des récentes journées d’émeutes du quartier du Mirail faisant suite au « suicide » d’un jeune homme à la prison de Seysses ; suicide suivi d’une deuxième mort samedi 14 avril. Lire par exemple, L’Envolée, 20 avril 2018 : « Encore un mort au mitard : communiqué de prisonniers de Seysses », en consultation sur : http://lenvolee.net/encore-un-mort-au-mitard-communique-de-prisonniers-de-seysses/ consulté le 22 avril 2018.

25Il faudra d’ailleurs un jour s’attaquer définitivement à cette idée qu’il y a des « Arabes » en Afrique du nord, alors qu’il n’y a que des populations « arabisées », ce qui fait une différence notable : le racisme commence aussi là où l’on refuse de nommer les choses précisément.

26Lire par exemple l’entretien, en cela particulièrement révélateur, avec l’historienne Laurence De Cock au site-revue Jeff Klak effectué par Céline Picard et Ferdinand Cazalis : « Sur les conseils de mes élèves, j’allais à l’épicerie Chez Abdallah », 5 février 2018, http://jefklak.org/conseils-de-eleves-jallais-a-lepicerie-chez-adballah/ consulté le 10 février 2018.

27« Qui sont les ouvriers aujourd’hui ? », par Perrine Mouterde, Le Monde daté du 8 juin 20216, consultable sur http://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/06/07/qui-sont-les-ouvriers-aujourd-hui_4941062_1698637.html consulté le 21 novembre 2017. De manière générale, vous remarquerez que je tire mes sources de médias peu suspects de collusions avec mes idées, afin de ne pas verser dans l’autocitation ou l’autosatisfaction…

28Et ce n’est même pas un média gauchiste qui le dit, mais Le Figaro : « La population musulmane largement surestimée en France », par Etienne Jacob, Le Figaro.fr, 14 décembre 2016, http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/12/14/01016-20161214ARTFIG00214-la-population-musulmane-largement-surestimee-en-france.php consulté le 21 nombre 2017.

29« Absentéisme au travail : deux études pointent une augmentation dans le privé et dans le public », Europe 1.fr, 22 novembre 2017, http://www.europe1.fr/sante/absenteisme-au-travail-deux-etudes-pointent-une-augmentation-dans-le-prive-et-dans-le-public-3499721 consulté le 24 novembre 2017.

30En bref, deux Français sur trois veulent changer de travail, Les Echos du mercredi 22 novembre 2017, p. 4.

31« Les chiffres inquiétants du stress au travail », Le Point.fr, 27 novembre 2017, http://www.lepoint.fr/societe/les-chiffres-inquietants-du-stress-au-travail-27-11-2017-2175384_23.php. consulté le 28 novembre 2017.

32Ainsi, sur un récent tract lu à Toulouse et intitulé Rencontrons-nous, les seuls témoignages recueillis au verso concernent des blanches ayant « compris » -comme dans le cadre d’un coming out tardif- qu’elles étaient souvent coupables d’un certain racisme.

33Sans compter par exemple celle (plus restreinte) des maoïstes libanais qui se sont fait phagocyter par les islamistes en leur temps – les années 1970. Lire à ce sujet : « De Pékin à Téhéran, en regardant vers Jérusalem : la singulière conversion à l’islamisme des « Maos du Fatah », par Nicolas Dot-Pouillard, Cahiers de l’Institut Religioscope,, n° 2, décembre 2008. A lire ici : https://www.religioscope.org/cahiers/02.pdf consulté le 05 février 2018.

34Quand on a encore l’intention de le faire. Le groupe Libertaires contre l’islamophobie a lui – depuis 2012 – totalement abandonné le terrain de ce point de vue, puisque il revendique le fait qu’il n’y ait « Pas d’injonction à l’athéisme, à l’invisibilité religieuse ou à l’uniformisation pour être libertaire », tract du 17 avril 2016, site Quartiers libres, https://quartierslibres.wordpress.com/2016/04/20/libertaires-contre-lislamophobie/ consulté le 19 février 2018.

35A l’instar du rappeur d’origine latino-américaine Skalpel : « J’ai grandi dans un quartier majoritairement musulman, l’islamophobie je l’ai vécu comme une attaque personnelle visant une communauté de gens avec qui j’ai passé l’essentiel de ma vie de pauvre », in « Police, quartiers, politique : entretien avec le rappeur Skalpel », site Lundi matin, 1er mars 2017, https://lundi.am/Entretien-Skalpel consulté le 10 mars 2018.

36Lire le communiqué de presse de l’équipe de Mille Bâbords du 30 octobre 2016 ici : http://www.millebabords.org/spip.php?article30041 consulté le 19 février 2018.

37Pour reprendre deux catégories appliquées à la géographie par le spécialiste américain d’origine indienne  des relations internationales Parag Khanna, dans son opposition entre une « géographie politique », géographie de la souveraineté, et une « géographie fonctionnelle », des interactions ; voir l’entretien de Parag Khanna avec Francis Pisani : « Les lignes qui comptent ne sont plus les frontières », Le Monde daté du 16 novembre 2017, http://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2017/11/16/les-lignes-qui-comptent-ne-sont-plus-les-frontieres_5215706_4811534.html consulté le 10 mars 2018.

Les commentaires sont modérés (les points de vue non argumentés et/ou agressifs ne sont pas retenus).

Laisser un commentaire