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8 octobre 2016

Pragmatiser l’horizon révolutionnaire et désétatiser la gauche

Quelques remarques critiques sur un texte de Geoffroy de Lagasnerie « Du droit à l’émancipation. Sur l’État, Foucault et l’anarchisme »

Par Philippe Corcuff

Co-animateur du séminaire de recherche libertaire ETAPE et membre de la Fédération anarchiste

Le texte présenté par le sociologue et philosophe Geoffroy de Lagasnerie au séminaire de recherche libertaire ETAPE du 11 décembre 2015, sur « Du droit à l’émancipation. Sur l’État, Foucault et l’anarchisme », est passionnant tant pour des militants anarchistes que pour des intellectuels critiques, et bien sûr ceux qui appartiennent aux deux catégories comme moi. Car c’est un texte qui, tout d’abord, leur fournit des ressources renouvelées, en prenant appui sur les analyses du philosophe Michel Foucault, dans la perspective d’une critique radicale de l’État moderne. Mais c’est également un texte propre à leur hérisser le poil anarchiste, bref à les inciter à penser contre leurs propres évidences, ce qui est sans doute quelque chose de plus radicalement libertaire encore. Cependant toute une série d’anarchistes estampillés comme tels, et en particulier ceux qui le sont depuis une longue durée, risquent de ne pas entendre un tel appel à l’esprit libertaire contre sa lettre, tant l’assoupissement dogmatique est actif dans les univers anarchistes comme dans d’autres secteurs militants et critiques.

Amitié intellectuelle

Les milieux intellectuels contemporains, et en particulier au sein des cadres universitaires, apparaissent souvent marqués par des tendances pathologiques rendant difficile l’intercompréhension et la mutualisation des pensées : blessures aigues de la reconnaissance, prégnance du ressentiment après avoir longuement mariné dans l’aigreur, guerres des egos, avidité des luttes des places, exclusivisme d’« écoles », de disciplines ou de sous-disciplines, entre soi de petits groupes, automaticité de l’hostilité et des louanges, concurrences et jalousies variées, crocs-en-jambe, agacements à l’égard de l’originalité chez les autres, etc. Il est plus rare qu’on ne le croit que l’amitié intellectuelle vienne contrecarrer ces logiques socio-psychologiques. C’est le cas ici et le texte de Geoffroy de Lagasnerie est en ce sens un véritable cadeau fait au séminaire ETAPE.

Manuel Cervera-Marzal a fort bien dégagé les apports principaux de ce texte dans son « rapport compréhensif » du séminaire ETAPE, « Á propos de Foucault, de l’Etat et de l’anarchisme. Rapport compréhensif sur un texte de Geoffroy de Lagasnerie pour un séminaire ETAPE », et je ne reviendrai pas dessus ici. Je les considérerai comme acquis. Cependant une amitié intellectuelle, cela ne suppose pas nécessairement l’accord, et en tout cas l’accord sur tout. Et elle se révèle même encore plus belle quand elle se coltine des différences et des divergences, et donc qu’elle permet aux amis de se déplacer dans l’échange, et pas nécessairement dans le sens de chacun des interlocuteurs, mais à partir des problèmes que chacun a formulé. L’amitié intellectuelle n’est pas, en ce sens, une prison ou une église : elle stimule à l’inverse la polyphonie, en incitant à l’exploration.

Ce court texte esquissera alors deux grandes séries de remarques critiques sur le texte de Geoffroy de Lagasnerie, qui me permettront de reformuler et de préciser mes propres analyses : sur la révolution sociale et sur l’État. Ces reformulations demeureront provisoires, tant il s’agit de questions vives et en mouvement pour les réflexions coopératives et individualisées générées par le séminaire ETAPE.

Pragmatiser la révolution sociale plutôt que l’abandonner

Geoffroy de Lagasnerie aborde de manière périphérique la question de la révolution dans son texte. Il écrit ainsi en tirant des conséquences stratégiques en politique radicale de la théorie foucaldienne de la multiplicité et de la dispersion des pouvoirs :

« D’abord, si nous acceptons l’idée selon laquelle le pouvoir n’a pas de lieu, alors il est nécessaire d’abandonner la croyance dans une hiérarchie entre les luttes : puisque la société n’a pas de centre, puisqu’elle est hétérogène, incohérente, éclatée, alors toutes les luttes (une grève, une manifestation contre la drogue, une révolte de prisonniers, etc.) restent locales, singulières, spécifiques. Aucune d’entre elles ne contient plus de politique, ou plus d’enjeux qu’une autre. De la même manière que Pierre Bourdieu disait, contre la fascination spontanée pour les événements extraordinaires, qu’il n’existait pas, dans l’Histoire, de moments plus historiques que d’autres, on doit dire qu’il n’existe pas de combat plus politique que d’autres. Tous importent au même titre – c’est-à-dire pour eux-mêmes – et tous se valent. Cette conception permet de libérer la gauche de l’obsession révolutionnaire ou, plus exactement, de donner les moyens de ne plus accorder le monopole de la radicalité aux actions qui s’inscrivent dans un horizon révolutionnaire. L’idée révolutionnaire suppose un lieu du pouvoir, un espace central qu’il faudrait s’efforcer de renverser, d’annuler ou d’occuper. Mais si les luttes sont sectorielles, alors les changements le seront toujours nécessairement eux-aussi. Ce qui ne signifie pas qu’ils seront de simples réformes. Ils peuvent être radicaux, ils peuvent bouleverser un état des choses. Mais ils demeureront situés, sectoriels – et dès lors laisseront toujours d’autres régions des mondes inchangés, dans l’état antérieur et appelant transformation. Après Foucault, une critique n’a plus besoin d’être révolutionnaire pour être radicale. »

Dans un premier temps, cela peut hérisser le poil d’un vieil anticapitaliste (depuis environ 40 ans) et d’un anarchiste néophyte (un peu plus de 3 ans) comme moi, qui continue à faire de la révolution sociale un horizon. Mais tentons justement de faire son miel de ce poil hérissé. En quoi cette piste nous oblige à bousculer et à réagencer nos propres évidences ? Une certaine vision de la révolution sociale, en tant que processus visant à abolir de manière globale (et pour certains, encore plus péremptoires et définitifs, totale) le capitalisme, l’État et d’autres modes de domination, telle qu’elle a été mise en avant de manière dominante par les courants marxistes comme par certains anarchistes et anarcho-syndicalistes, a effectivement révélé historiquement de lourds écueils pour une perspective radicale. On peut identifier au moins trois gros problèmes :

– sacrifier la vie et l’action présentes à un futur supposé régler définitivement la plupart des problèmes ; futur se révélant fort évanescent à l’expérience ;

– imposer un schéma transcendant a priori quant à l’ensemble des luttes, en fonction d’une certaine architecture des relations entre les différentes rapports de domination posée à l’avance sur le papier par des théoriciens et/ou des avant-garde révolutionnaires (et pas seulement les avant garde de type léniniste, mais aussi des avant garde anarchistes, ne se reconnaissant pas comme telles mais fonctionnant de manière analogue mais dans la dénégation), en écrasant alors certains fronts (considérés comme « secondaires » : historiquement les femmes, les colonisés, les homosexuels…) en étant peu attentifs à leurs spécificités et en passant largement à côté des conjonctures au profit d’une vision fixe des structures ; ce qui constitue une façon d’aplatir la double pluralité des formes de domination et des mouvement sociaux au nom d’une vue totale du réel socio-historique organisé autour d’un centre (souvent une contradiction principale, comme la contradiction capital/travail chez nombre de marxistes) ;

– fétichiser ce qui est supposé constituer un nœud central des rapports de domination, l’Etat, qu’il suffirait de trancher (« prendre le pouvoir d’État » pour le faire dépérir chez les marxistes, le détruire immédiatement pour nombre d’anarchistes) pour ouvrir une phase nouvelle et émancipatrice de l’histoire de l’humanité ; ce qui sous-estime la dissémination (dans les corps et dans les têtes, dans les institutions, dans les mailles de la vie quotidienne, etc.), la prégnance et l’enchevêtrement des rapports de domination.

S’efforcer de se débarrasser de ces écueils suppose de repenser substantiellement l’idée révolutionnaire et son cadre stratégique, mais pas nécessairement de l’abandonner. Geoffroy de Lagasnerie nous aide beaucoup ici, mais je ne le suivrai pas jusqu’au bout. Il ne s’agit pas de prétendre proposer un nouveau cadre stratégique, alors que c’est un des impensés les plus manifestes de la période pour une gauche d’émancipation, mais d’avancer quelques repères dans la voie de sa reformulation :

– La dichotomie « réformistes »/« révolutionnaires » ne concerne pas historiquement au sein du mouvement ouvrier et socialiste l’objectif – car cette séparation s’est effectuée aux débuts du XXe siècle entre des courants tous partisans de la révolution sociale comme finalité – mais les moyens permettant de mener à la révolution sociale, le « comment » stratégique. Les « réformistes » croyaient en l’action électorale et parlementaire pour beaucoup d’entre eux et/ou en l’extension des expériences alternatives (type coopératives) au sein même du capitalisme dans un temps progressif. Les « révolutionnaires » privilégiaient les moyens extra-institutionnels (insurrections, grève générale, dynamique des conseils ouvriers…) permettant des ruptures qualitatives au sein de moments révolutionnaires. Au XXe siècle, ni les « réformistes », ni les « révolutionnaires » n’ont permis à une révolution sociale émancipatrice de s’installer durablement. Cette dichotomie stratégique est donc à revoir et à déplacer significativement. On peut déjà avoir quelques pistes. Par exemple, la piste du pluralisme : pourquoi privilégier un type de moyens et ne pas tenter d’en combiner plusieurs ? Piste du pluralisme qui pourrait être complétée par celle du pragmatisme : pourquoi choisir un type de moyens indépendamment des circonstances où ils sont mis en œuvre et ne pas imaginer une diversité de moyens plus ou moins adaptés à des circonstances diverses ?

– Il y a des intersections et des interactions entre les différentes formes de domination, qui sont autonomes mais pas hors relations avec le reste des rapports sociaux. Par ailleurs, les crises politiques, telles que le politiste Michel Dobry les analyse en tant que « mobilisations multisectorielles »1, constituent des moments où les barrières entre secteurs sociaux s’affaiblissent. Ce sont des éléments qui créent des possibilités de convergences entre les luttes « sectorielles » dont parle Geoffroy de Lagasnerie dans le sillage de Foucault.

– Le global, en tant qu’ensemble de repères établissant des connexions intersectorielles, se distingue de l’arrogance d’un total prétendant épuiser le principal du réel dans une architecture transcendante posée à l’avance. Et il n’est pas nécessairement organisé autour d’un centre, mais peut tenter de prendre en compte une pluralité des dominations et de mouvements sociaux, en se faisant global pluriel. Les sentiers du global ainsi considérés se distinguent des autoroutes les plus fréquemment empruntées : celles de la totalité, nous aveuglant dans leur prétendue clarté, et celles de l’émiettement « postmoderne », nous entraînant un peu plus dans le brouillard2. Pourrait se dégager alors, contre les transcendances surplombantes comme contre les immanences intégrales et intégristes, la possibilité d’une immanence à boussole3.

– Une boussole émancipatrice globalisante n’a pas pour fonction de sacrifier le présent au futur mais d’aider l’action présente.

– Pour une telle boussole, il n’est pas nécessaire de penser qu’il y aurait à trancher un nœud principal (comme l’État) pour ouvrir la voie à des avancées émancipatrices. Il peut y avoir plusieurs nœuds à traiter pour elle et peut-être avec des façons différentes pour chaque nœud. Et ces nœuds ne dépendent pas seulement de données structurelles, mais aussi de caractéristiques conjoncturelles (voir encore les apports de Michel Dobry sur ce plan). Si une telle boussole se fixe comme horizon une société sans capitalisme, sans État et sans dominations, cela n’empêche pas qu’elle puisse guider des actions susceptibles d’obtenir des améliorations sectorielles ou globales limitées dans le cadre des sociétés capitalistes et étatistes existantes. Ce n’est d’ailleurs pas quelque chose de très nouveau : syndicalistes révolutionnaires, anarcho-syndicalistes, socialistes révolutionnaires ou communistes de diverses obédiences ne crachaient pas sur des augmentations de salaires, des améliorations des conditions de travail ou une réduction du temps de travail tout en s’inscrivant dans un horizon révolutionnaire. Ce sont seulement des courants gauchistes et révolutionnaristes plus marginaux qui sont historiquement passés à côté de cette dialectique pour des raisons de purisme intégriste.

– Même du point de vue des luttes « sectorielles », une telle globalisation pourrait se révéler bénéfique. Elle fournirait un paysage global à l’action, en leur permettant de tenir compte de contraintes (par exemple, la contrainte de l’extrême droitisation politique et idéologique aujourd’hui en France pour les luttes antiracistes) et de possibilités (par exemple, on peut penser que le mouvement contre le Contrat Première Embauche en 2006 bénéficia de la victoire du non au référendum sur le Traité constitutionnel de 2005) hors des secteurs concernés et propres à la conjoncture. Elle serait par ailleurs susceptible de leur donner plus d’élan et d’allant en resituant le sectoriel par rapport à une utopie pragmatique. Enfin, les liaisons avec d’autres luttes permettraient tactiquement que certains secteurs se reposent pendant que d’autres prennent le relai au sein d’une guérilla sociale durable4.

Ces quelques repères visent à pragmatiser l’horizon révolutionnaire, au sens de la philosophie pragmatiste américaine, c’est-à-dire à recentrer la pensée révolutionnaire sur l’action présente et sur ses effets émancipateurs, individuels et collectifs, sur la réalité, tout en réarrimant cette action présente aux traditions émancipatrices passées et à la perspective d’autres mondes possibles dans l’avenir5.

Désétatiser la gauche en la réinstitutionnalisant plutôt que de réinstaller l’État au centre

Geoffroy de Lagasnerie décentre remarquablement et opportunément le regard de la pensée critique, grâce à la théorie des pouvoirs de Foucault, par rapport à la prétendue centralité de l’État. C’est ce qu’il appelle l’« anti-étatisme théorique » de Foucault. Ce qui rejoint ce que j’appelle un anarchisme méthodologique, dont Foucault constitue une des références principales avec le sociologue Pierre Bourdieu et le philosophe Ludwig Wittgenstein, défétichisant l’État et faisant notamment éclater sa prétention à incarner le cœur de la vie sociale moderne6. Ce qui n’empêche pas, bien au contraire, de penser l’État comme une configuration seconde de pouvoirs ; ce que proposent tant l’anti-étatisme théorique que l’anarchisme méthodologique.

Cependant, cela débouche chez Geoffroy de Lagasnerie sur un second temps moins convaincant et nettement plus contestable. Il écrit ainsi :

« j’aimerais ici avancer l’idée selon laquelle il est possible de tirer de l’analytique foucaldienne autre chose qu’une marginalisation de l’Etat. Je voudrais montrer qu’il est possible de placer l’Etat au centre de la théorie politique et du diagnostic de notre présent tout en conservant l’idée de pouvoirs immanents et disséminés – et je voudrais même montrer que ce geste est nécessaire, que ces deux conceptions s’appellent l’une l’autre. »

L’État réoccuperait donc, mais d’une autre façon, le cœur. Dans un premier moment, voyons encore comment tirer partie positivement de notre poil anarchiste une nouvelle fois hérissé. Par exemple, ce que dit Geoffroy de Lagasnerie sur le droit apparaît heuristique pour des anarchistes :

« Le système juridique est le monde de l’invention, de l’expérimentation, de la création. L’ordre du droit peut fonctionner à la production d’un ordre émancipé des contraintes des faits et de la nature au nom d’une rationalité immanente propre. Plutôt que de se calquer sur les perceptions spontanées, sur nos manières immédiates de voir, sur le pouvoir qui vient d’en bas, le droit est capable de construire un nouveau monde. »

La question du droit n’est pas inconnue des grandes figures de l’anarchisme comme Proudhon, dont la pensée et la pratique ne correspondent guère à l’anti-juridisme primaire souvent associé spontanément dans les représentations courantes aux anarchistes. Plus récemment, des pistes ont été formulées, comme celles particulièrement intéressantes de Pierre Bance7, mais il est vrai que c’est un domaine où l’anarchisme contemporain est plutôt globalement défaillant.

Par ailleurs, Geoffroy de Lagasnerie, en tirant partie de textes du sociologue Émile Durkheim comme de Foucault, fait de l’État un lieu possible de filtre et de distanciation rationalisatrice par rapport à des passions majoritaires régressives (par exemple répressives ou conservatrices sur le plan des mœurs) :

« On pourrait penser l’Etat, comme une force qui, parce qu’elle vient d’en haut, pourrait contrer le pouvoir qui vient d’en bas et, ainsi, nous délivrer des forces latérales et des logiques disciplinaires. »

Est-ce que cela n’est pas une incitation à ce que les anarchistes et au-delà nombre de révolutionnaires se débarrassent d’un certain « basisme » moral qui voudrait que, par essence, le Mal serait en haut et le Bien en bas ? Et est-ce que la piste de dispositifs de distanciation par rapport aux passions n’est pas à considérer positivement d’un point de vue libertaire ?

Mais pourquoi associer nécessairement la créativité juridique et les dispositifs de distanciation à l’État ? C’est sur ce plan que je me sépare une nouvelle fois de Geoffroy de Lagasnerie, alors qu’il nous a encore aidé à nous débarrasser d’impensés paralysants présents dans les milieux anarchistes. Ici il apparaît alors utile de distinguer institutions et État.

La conception sémantique des institutions proposée récemment par le sociologue Luc Boltanski8 dans le sillage du linguiste américain John Searle9 éclaire tout particulièrement cette distinction. Dans cette perspective, les institutions permettraient de stabiliser des repères partagées quant à la définition de la réalité (par exemple, les sens de « feux vert » et de « feu rouge » dans le domaine de la circulation urbaine) afin de mieux pouvoir s’orienter dans cette réalité (quand on veut traverser une rue). Sémantique renvoie à l’univers du langage et de ses significations, et la façon dont il participe à construire le réel. Et l’État ? Les États réellement existants apparaissent, à l’analyse socio-historique, composites, mais une des logiques principales qui tend à les travailler est l’étatisme, c’est-à-dire la logique d’intégration verticale et hiérarchique de l’ensemble des institutions génératrice de nœuds de concentration de pouvoirs. Bref, la créativité juridique comme la mise en place de dispositifs de distanciation rationalisante pourraient s’adosser à des institutions, mais pas nécessairement à un État. Point besoin de réinstaurer un centre étatique après l’avoir magistralement déconstruit avec Foucault ! Cela ouvre la voie à un anarchisme institutionnaliste et anti-étatiste10.

Les gauches libertaires et radicales auraient besoin de se désétatiser – car les mécanismes étatistes de concentration de pouvoirs constituent une famille de facteurs ayant historiquement contribué à fortement limiter les effets émancipateurs de ses courants « réformistes » comme « révolutionnaires » – tout en se réinstitutionnalisant.

Grâce au texte de Geoffroy de Lagasnerie des débats stimulants ne font que commencer à s’ouvrir !

1 Voir M. Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles (1e éd. : 1986), 3e éd. revue et augmentée d’une préface inédite, Paris, Les Presses de Sciences Po, collection « Références », 2009.

2 Sur les rapports entre le global, le total et le postmoderne dans les débats des pensées critiques et des sciences sociales contemporaines, voir les chapitres 7 (« Impasse de la totalité, de Hegel à Al Pacino ») et 8 (« Penser globalement le monde actuel, à l’écart de la totalité et de l’émiettement postmoderne ») de mon livre Où est passée la critique sociale ? Penser le global au croisement des savoirs, Paris, La Découverte, collection « Bibliothèque du MAUSS », 2012.

3 Sur la notion d’immanence à boussole, voir mon texte « Indigènes de la République, pluralité des dominations et convergences des mouvements sociaux. En partant de textes de Houria Bouteldja et de quelques autres », site de réflexions libertaires Grand Angle, 9 juillet 2015, [http://www.grand-angle-libertaire.net/indigenes-de-la-republique-pluralite-des-dominations-et-convergences-des-mouvements-sociaux-philippe-corcuff/].

4 Sur la notion de guérilla sociale durable, empruntant certaines ressources à Michel Foucault, voir deux de mes textes, l’un au moment du mouvement de 2010 sur les retraites (« Pour une guérilla sociale durable et pacifique », Mediapart, 18 octobre 2010, [http://www.mediapart.fr/club/blog/philippe-corcuff/181010/pour-une-guerilla-sociale-durable-et-pacifique]) et l’autre du récent mouvement contre la loi El Khomri (« Mouvements sociaux, grève générale et poison national-étatiste », Mediapart, 12 mai 2016, [https://blogs.mediapart.fr/philippe-corcuff/blog/120516/mouvements-sociaux-greve-generale-et-poison-national-etatiste]).

5 Pour un anarchisme à la fois révolutionnaire et pragmatique auquel peuvent contribuer significativement les analyses de Michel Foucault, voir mon livre Enjeux libertaires pour le XXIe siècle par un anarchiste néophyte, Paris, Éditions du Monde libertaire, 2015.

6 Voir la vidéo de ma conférence dans le cadre du Master 2 Recherche de sociologie de l’Université de Caen Normandie, le 26 janvier 2016, sur « État, technocratisme et politique : entre anarchisme méthodologique et anarchisme institutionnaliste », [https://www.canal-u.tv/video/centre_d_enseignement_multimedia_universitaire_c_e_m_u/etat_technocratisme_et_politique_entre_anarchisme_methodologique_et_anarchisme_institutionnaliste_green15_16.20402].

7 Voir P. Bance, « La question du droit en anarchie », site de réflexions libertaires Grand Angle, 4 octobre 2013, [http://www.grand-angle-libertaire.net/la-question-du-droit-en-anarchie-pierre-bance/].

8 Dans L. Boltanski, De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation, Paris, Gallimard, 2009, et L. Boltanski et N. Fraser, Domination et émancipation. Pour un renouveau de la critique sociale, débat présenté par P. Corcuff, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, collection « Grands débats : Mode d’emploi », 2014.

9 Dans J. Searle, La construction de la réalité sociale (1e éd. : 1995), Paris, Gallimard, 1998.

10 Sur un anarchisme institutionnaliste et anti-étatiste, voir le chapitre 12, « La double hypothèse d’un anarchisme pragmatiste et d’une social-démocratie libertaire », de mon livre Enjeux libertaires pour le XXIe siècle par un anarchiste néophyte, op. cit.

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